lundi 30 mai 2011

Impressions de Cartagena

37°35.786N 00°58.814W
Cartagena

J’entends l’hymne espagnole qui résonne à travers les hautparleurs, il est huit heures et c’est l’heure de la montée des couleurs sur le Galicia. La garde montante croise la garde descendante, passage des consignes, ballet impeccable, saluts, il n’y a pas de doute nous sommes bien dans le port de Cartagena, siège de l’Armada pour la zone méditerranéenne.

Cartagena est d’abord et avant tout un port militaire. D’ailleurs de mémoire d’homme, ça a toujours été un port militaire… Déjà les romains se servaient de cette baie naturelle profonde et protégée comme base navale pour leurs galères. Puis ça a été les byzantins, les maures, les navires de sa majesté… Bref, Cartagena de part son implantation exceptionnelle a toujours attiré et attire encore les navires du monde entier.

Le Galicia
Depuis plusieurs jours j’ai comme voisin le porte hélicoptère Galicia, mais aussi le navire français de l’IFREMER le Pourquoi pas ? Sans parler des petites unités comme des patrouilleurs de haute mer, des dragueurs de mines, etc.… Pas étonnant qu’en parcourant les rues de la vieille ville, je ne puisse faire un pas sans croiser un uniforme. Il y a même un navire russe qui fait escale en ce moment et les marins sont très reconnaissables avec leur casquette comme des plats à tarte. J’ai même vu des spetnatz…

Si l’on consulte les dépliants touristiques, Cartagena c’est LA perle de l’antiquité… C’est vrai. Mais c’est malheureusement une perle présentée dans un écrin un peu pourri, je suis désolé de le dire.
Certes le théâtre antique a été fort bien restauré, un musée retrace la vie quotidienne d’une domus romaine, mais c’est à peu près tout. Tout le reste est à l’abandon.

Théâtre antique
Car Cartagena est une ville pauvre. J’entends par là que l’argent public pour mettre en valeur tous ces sites historiques semble avoir fait défaut depuis un bout de temps, et plus encore maintenant que la crise est là.

Cartagena c’est un paradoxe. Lorsque vous marchez dans les rues de la vieille ville, vous ne pouvez ne pas voir ces façades classées du XIX ème siècle, elles sont magnifiques, mais la plupart du temps elles ne sont que cela, des façades. Car derrière il n’y a rien.
D’après ce que j’ai pu comprendre, lorsqu’un immeuble devient insalubre on le détruit mais la loi oblige de conserver la façade. Bien. Le souci c’est qu’une autre loi donne priorité à la recherche archéologique avant que de reconstruire un immeuble… Et ici à Cartagena vous ne pouvez faire un trou dans le sol sans tomber fatalement sur un vestige du passé. Résultat, en plein centre ville, tous les vingt mètres vous avez des façades soutenues par des échafaudages, et derrière des terrains vagues. Un beau paradoxe administratif qui a lieu de refroidir toutes personnes ou entreprises qui désireraient entreprendre la construction ou la restauration d’un bâtiment.

Décor ?
Pourtant, cela n’a pas l’air de rebuter les touristes qui sont nombreux en cette période. Beaucoup d’anglais, des allemands et quelques hollandais, Cartagena attire essentiellement une population venue du Nord. Tout ce beau monde se retrouve le soir sur les terrasses des cafés du port devant des pintes de bières. Colonie compacte bien identifiée qui surtout, oh sacrilège, ne se mélangera jamais à la population locale.
En parlant de colonie, Cartagena en possède une autre qui aurait pu m’être bien utile si, là encore, elle daignait vouloir s’ouvrir aux autres.
Le port de plaisance regorge presque exclusivement de voiliers de grand voyage. Américains, Africains du sud, Anglais, Hollandais, tous font étape ici sur la route qui mène de l’Atlantique à la Méditerranée.

Fin XIX ème
Hélas, même si j’ai droit à quelques « Hye ! » au passage, personne ne m’a jusqu’alors adressé la parole… Pas grave, j’ai eu largement de quoi m’occuper depuis que je suis arrivé. Hier au soir j’étais encore sur la place occupée par les indignados et je ne regrette vraiment pas ces quelques jours passés en leur compagnie.
Aux dernières nouvelles, la acampada devrait durer encore quelques jours mais on sent bien que la motivation s’étiole ici à Cartagena. C’est, à mon sens, logique… Réfléchir c’est bien, constater c’est bien aussi, mais lorsqu’il s’agit d’agir les volontaires se font soudainement moins nombreux. Surtout lorsqu’on se retrouve empêtré dans un pacifisme qui pour le coup est bien utile au pouvoir en place.

Ça y-est le Galicia vient de larguer les amarres et le Pourquoi pas ? a fait de même pendant que j’écrivais ces mots. Il est temps de partir… Demain, je vais moi aussi larguer les amarres et reprendre la route. Prochaine grande escale, Malaga. Je devrais pouvoir rallier la capitale de l’Andalousie d’ici une semaine.

Aujourd’hui je vais préparer ma Boiteuse, régler mon séjour, et organiser ma navigation. Un avitaillement s’impose également. Et puis je pense que j’irais faire un dernier tour sur la Plaça del Ayuntamiento en fin de journée…

Pourquoi pas ?
Trompe l’œil

Archéologie

Le Peral, premier sous-marin au monde, 1888
 

samedi 28 mai 2011

Los indignados de Cartagena

37°35.786N 00°58.814W
Cartagena

Lorsque je suis arrivé à Cartagena, et alors que je cherchais de quoi confectionner mon repas du soir, je suis tombé sur une de ces acampadas, comme il en existe un peu partout en Espagne depuis le 15 Mai.

Aussitôt, vous me connaissez, mon sang de citoyen n’a fait qu’un tour et j’ai alors sorti mon appareil pour prendre quelques photos. La politique, et les mouvements sociaux en général, ont été pendant deux ans et demi mon pain quotidien de blogueur citoyen et ce n’est pas parce que je voyage à présent que j’ai laissé mon militantisme de côté pour autant.
Je prends quelques photos, et je me dis que je pourrais profiter de cette escale pour, peut-être, approfondir le sujet… Mais pas ce soir, je suis crevé et j’ai la dalle.
Je poursuis mon chemin, mais je m’aperçois assez vite qu’un homme me suit… Je raffermis ma main sur ma canne et je fais mine de l’ignorer, mais je ne suis pas rassuré quand même. Au bout d’un moment de ce jeu de dupe, je décide de m’arrêter et de donner l’occasion à mon suiveur de m’aborder. Il a la trentaine et après avoir longuement hésité entame la conversation.
Passé le moment où il comprend que je ne suis pas espagnol et qu’il doit un peu modérer son débit pour que, moi, je le comprenne, il m’explique qu’il m’a vu prendre des photos et qu’il ne souhaite pas paraitre dessus… Pas de problème, je lui montre mes clichés et efface devant lui la seule photo où il apparaissait. Ce malentendu dissipé, nous nous mettons à discuter et nous parlons de ce mouvement des « indignados ».
Slogans

 Moi, je vais être franc, au départ je n’ai pas vraiment saisis ce qui se passait exactement, et d’ailleurs je ne suis toujours pas sûr de l’avoir compris maintenant, après quelques heures passé en leur compagnie. La politique espagnole est pour moi relativement mystérieuse et pleine de contradictions, et ne correspond pas vraiment à la la grille de lecture que j’ai l’habitude d’utiliser.
Mon premier sentiment en voyant ce « campement », ça a été l’incrédulité. Une bande de punk à chiens squattant l’espace public et profitant des mouvements arabes pour faire parler d’eux. Des jeunes sans repères, frappés par la crise, et qui se réfugient dans la protestation tous azimuts, dans le « tous pourris », pour exprimer leur mal être.

Je me trompais.

Malgré cette première impression négative, j’étais intrigué. Je n’arrivais pas à comprendre la finalité de ce mouvement et ça, ça m’agaçait. De plus, je ne pouvais m’empêcher de deviner par delà ce bel enthousiasme quelque chose qui clochait. Heureusement, je ne suis pas du genre à rester sur des jugements définitifs, et lorsque je ne comprends pas quelque chose, il faut que je cherche. Et bien c’est-ce j’ai fais, je suis allé à leur rencontre pour me faire expliquer de quoi il retournait exactement…

La première personne à qui j’ai parlé, en dehors du type de la photo, était une charmante petite jeunette d’à peine vingt ans, prénommée Vivianne. Elle possédait quelques mots de français, mais c’est en espagnol que nous avons discuté.
Elle m’a expliqué ce que je savais déjà, le chômage des jeunes, la responsabilité des banques dans la crise, la complicité des politiques, bref un discours maintes fois entendu que ce soit de ce côté-ci de la frontière, où de l’autre. Je le connais par cœur ce discours, puisque c’est le mien. Par contre au bout d’un moment nous avons abordez des particularités propres à la politique espagnole, et là j’avoue avoir un peu mieux tendu l’oreille.

Le bipartisme tout d’abords. Ce fléau antidémocratique si cher à nos amis d’outre-Atlantique, génère ici les mêmes dégâts qu’ailleurs. Ajoutez à cela un système électoral cousu main pour museler les voix discordantes, et vous vous retrouvez avec une société sclérosée qui n’évolue plus. La gauche lorsqu’elle est au pouvoir mène une politique de centre-droit libérale. Et quand c’est la droite qui reprend la main, celle-ci mène aussi une politique de droite libérale. On est exactement dans le système UMP-PS qui est en train de s’installer en France.

Ensuite, la corruption. Celle-ci semble beaucoup plus généralisée en Espagne puisqu’aucune règle, légale ou morale, n’encadre le corps législatif. En clair, même avec dix-huit condamnations aux fesses, un candidat peut se présenter à une élection et être élu.

Enfin, et c’est là je pense le point le plus intéressant, il existe ici un déficit d’éducation politique énorme. Comme en France vous allez me dire, mais à la différence notable que l’Espagne est une démocratie récente. Il y a trente-cinq ans les gens vivaient encore sous la férule des franquistes, et parler ou faire de la politique n’était absolument pas dans les mœurs locales… Et trente-cinq ans, c’est très jeune à l’échelle d’une société. Surtout lorsque finalement la « transition », comme ils appellent le passage du franquisme à la démocratie, n’a fait que reproduire les inégalités déjà existantes. Les grandes familles de propriétaires terriens existent toujours et ont un pouvoir énorme, et les fils et les filles de la junte sont maintenant les cadres des partis politiques en place. Droite et gauche confondue…
Aurora, une femme gentille comme tout, m’a dit la chose suivante: « Avant, nous avions peur de parler, et maintenant les jeunes comprennent que quelque chose ne va pas et veulent s’exprimer, mais n’ont pas les mots pour le faire ».

Je commençais un peu à comprendre…

Contagion...
Ensuite je me suis rendu jeudi soir à l’assemblée qui a lieu tous les soirs à 20H00. Une trentaine de personnes étaient là, s’écoutant les uns les autres ce qui est à mes yeux assez rare, et débattaient. Une agora dans le plein sens du terme.

A un moment, un des orateurs à produit un petit bouquin tout mince, et soudain la lumière c’est faite dans mon crâne de décérébré. C’était le livre de Stéphane Hessel, Indignaos ! (Indignez-vous !). Bon sang mais c’est bien sûr ! Que n’avais-je compris plus tôt !
Je me suis demandé alors ce que pouvais bien penser ce respectable résistant de tout ce barouf… Ce doutait-il que cela aurait ce genre de répercutions ? N’était-il pas un peu déçu de voir nos voisins saisir la balle au bond, alors qu’en France, et malgré un succès de librairie incontestable, ce genre de mouvement n’avait pas éclos ?
Mais il est vrai que nul n’est prophète en son pays…

Débat
J’avais envie d’apporter ma modeste pierre à cet édifice en construction, mais maitriser l’espagnol est une chose, et s’exprimer publiquement dans cette langue en est une autre. J’ai attendu que des petits groupes se forment et je me suis mêlé à l’un d’eux pour écouter d’abord, puis pour participer. D’autant que je connaissais plutôt bien le sujet puisqu’il s’agissait de l’engagement politique via les réseaux sociaux et les conséquences sur la vie privée des actions publiques… Et oui, c’était le sujet d’un de mes tous premiers articles en temps que blogueur politique !
J’ai donc contribué au débat compte tenu de mon expérience, et j’ai compris que cette peur qui empêchait les anciens de s’exprimer sous Franco, perdurait de nos jours sous une autre forme plus subtile. La peur de se retrouver catalogué comme rebelle, d’avoir des ennuis au travail, de ne plus en trouver…
J’ai été écouté, respectueusement, avec cette image de Français de France, pays d’où tout est parti. Le livre de Hessel, la révolution des grands frères de 1968... C’est dingue les idées qu’ils se font sur nous et sur cette époque.
D’ailleurs non, c’est pas ça. Il ne s’agit pas d’idées, vraies ou fausses, il s’agit plutôt de questions. Plein de questions. Tout ces gens, jeunes et vieux, sont en recherche de réponses, d’informations. Ils n’ont pratiquement pas de culture politique et sont avides de mettre des mots sur ce qui leur semble juste ou injuste.

Acampada
C’est là, en discutant avec tous ces gens, que j’ai compris ce qui clochait. J’avais été victime de l’interprétation que ce mouvement suscite en France.
En effet, partout j’entends les médias français dire qu’il s’agit d’une « Révolution Espagnole », alors qu’il n’en n’est rien. Ce projet, les acampadas, les forums, les expériences d’autogestion, etc., n’ont pas vocation à renverser le régime en place, ni même à peser sur le cours des événements politiques… Ils n’en sont pas là. Pas encore en tous cas.
Ce qu’ils sont en train de faire, c’est du partage de connaissance, d’informations. Ils font le constat que cette société va mal, et que le système est organisé de façon à pérenniser les injustices dont-ils sont l’objet. Il s’agit en fait d’une prise de conscience politique et collective. Ce n’est pas une révolution, c’est une réflexion.
Et je dois avouer qu’ils le font de fort belle manière.

Jusqu'à tard le soir...
Ok, réfléchir c’est bien, mais après vous faites quoi ? C’est en substance la question que j’ai essayé de poser un peu partout autour de moi. D’autant que les idées qui émergent de ce maelström créatif ne sont pas spécialement neuves. Elles sont même au programme de certains partis ou organisation (ATAC, NPA, etc.…), et ce depuis un bout de temps.
Là, la réponse, les réponses se font évasives. Pour eux il n’est pas question de cesser le mouvement initié, mais ils en sont encore à se tâter pour savoir comment le faire perdurer… Créer un nouveau parti politique qui réunirait tous les mécontents du pays ? Pourquoi pas, sauf que ce serait accepter de jouer selon les règles du jeu démocratique espagnol, et nous avons vu que ces règles étaient faussées.
Passer un une autre forme d’action ? Oui mais laquelle ? L’esprit qui domine dans tous ces encampadas est la non-violence, et c’est bien pour ça que les gouvernements locaux n’ont pas encore vraiment sévis.

Bref, ils ont redécouvert les fondamentaux de la lutte anticapitaliste, s’échangent des informations, des textes, des concepts idéologiques, mais comme souvent, comme partout, dès qu’il s’agit de passer aux actes le militantisme s’étiole.

Assemblée
Jeudi soir, l’assemblée locale de Cartagena en était à élire deux représentants pour que ceux-ci aillent à Madrid, à la Puerta del Sol, pour participer à l’assemblée au niveau national qui elle, choisirait et voterait à son tour les conditions de la poursuite du mouvement. Mais il était déjà plus ou moins question de cesser d’occuper les places de façon permanentes à partir de ce dimanche, et de remplacer tout ça par une réunion publique hebdomadaire…

Hier soir je suis retourné à la acampada, et j’y ai vu beaucoup plus de monde que la fois précédente. La nouvelle de l’évacuation manu-militari des indignados de Barcelone les avait un peu boostés, et bien sûr l’envie d’exprimer leur réprobation dominait. Oui mais voilà, c’est ici que l’on se rend compte que la démocratie directe c’est compliqué, c’est lent, et surtout quoiqu’on puisse en dire sur sa légitimité, ce n’est pas très productif.
D’abord il faut voter pour savoir quel type de manif on va entreprendre, puis on revote pour choisir le jour pour ensuite re-revoter pour choisir l’heure. Avec entre chaque vote plusieurs orateurs qui viennent défendre leur point de vue… Hier soir à minuit on savait que ce serait un sit-in, alors qu’au départ ce devait un cortège, que ça aurait lieu ce dimanche mais que l’heure demandait encore à être discutée et qu’elle serait votée samedi soir…
Bref, ça patauge un peu. Beaucoup même.

Vote des motions
Ce soir je vais y retourner, et sans doute demain aussi, car j’aime assez ce qui se passe sur cette place de Cartagena. Là, au pied du bâtiment de l’ancienne mairie, se déroule quelque chose que je trouve enthousiasmant. Une population est en train d’essayer de se donner les moyens, à la fois intellectuels et organisationnels, de dire non à la fatalité qui est la sienne… Oui, c’est enthousiasmant, et tout à fait digne de respect. C’est un peu comme regarder un enfant apprendre à faire du vélo…

Oh, je sais ce que cette image peut avoir de condescendant, voire insultant, envers ce qui est peut-être (souhaitons-le) le début d’un mouvement social de grande ampleur. Cependant, et malgré tout ma meilleure volonté, je ne puis m’empêcher d’émettre des réserves quant à son devenir… 

Peut-être que j’en ai déjà trop vu, trop entendu, de ces beaux concepts qui jamais ne sont suivi des actes. Peut être que je suis trop formaté par ma culture française qui me dit qu’il n’y a pas de révolution sans chaos. Peut-être finalement suis-je trop vieux pour ces conneries… (Mais non ! Je déconne !)

C’est vraiment formidable de voir de ses yeux des gens se bouger un peu le cul. Lorsque je pense à notre jeunesse française, apathique et résignée, obsédée par la réussite et la téléréalité, je me dis qu’elle ferait bien de prendre exemple sur la jeunesse espagnole. Même si, je le répète, le contexte ici est vraiment différent.

Une dernière réflexion cependant, celle que je n’ai pu m’empêcher de glisser au cours d’une mes nombreuses conversations avec Viviane, Aurora et les autres… Nous en France, les nobles, les grands propriétaires, les curés, on leur a coupé la tête. Moi je dis ça, je dis rien…

D'autres photos :









jeudi 26 mai 2011

Rebondir

37°35.786N 00°58.814W
Cartagena

Il y a quelques jours notre amie Monique et moi-même discutions de tout et de rien, de la vie en générale, des routes que nous suivons tous et qui parfois nous mènent dans des endroits que nous n’aurions jamais imaginé. Nous parlions des tous nos amis communs, de ce qu’ils étaient lorsque nous nous sommes connus, et ce qu’ils sont devenu depuis… Et au final nous constations que si l’on sait être patient, la roue tourne forcément à un moment ou à un autre en notre faveur.

J’ai reçu depuis des nouvelles propres à étayer cette constatation. Etayer, que dis-je, illustrer de manière éclatante serait plus juste.
Vous vous souvenez de CaptainGils ? Mais si, rappelez-vous, il s’agit de ce type qui voulait voir l’Afrique et qui sur le chemin du retour, après bien des tribulations toutes aussi rocambolesques les unes que les autres, finit par s’échouer sur un haut-fond du Cap Vert.
Je ne sais pas si vous l’avez fait, mais je vous avais fortement conseillé de lire ce que Gilles écrivait… Parce que moi, je dois bien vous avouer que de toutes les lectures que j’ai pu avoir concernant les voyages en bateau, c’est probablement celui qui m’a donné le plus envie de réaliser mon rêve. Plus que Moitessier, c’est vous dire !

En aout dernier, Gilles nous avait laissé avec la triste nouvelle du naufrage de son Atao, et à l’époque je n’étais pas trop optimiste sur la façon dont le bonhomme allait rebondir… Je me trompais. Heureusement.


 Neuf mois plus tard Gilles a refait sa vie. Il travaille à présent pour une ONG comme logisticien et s’ingénie à participer à la reconstruction en Haïti… A le lire, il s’éclate comme une bête et remplit ses journées à grands renfort de ce système D qui lui était si précieux en mer

D’apprendre que Gilles avait réussit à sortir la tête hors de l’eau après ce qu’il avait vécu m’a donné une pêche que vous ne pouvez imaginer. Ça m’a donné foi en l’avenir, ça a balayé les quelques craintes que je pouvais avoir sur l’aventure que je vis actuellement… bref, ça m’a fait du bien.

Et c’est bien pour ça que je voulais vous en parler, pour que ça vous fasse du bien à vous aussi.

La vie, elle peut vous foutre en l’air comme une rafale de force 9. Elle peut vous matraquer la gueule à coup de malheur et de déception. Mais à chaque fois, elle vous laisse aussi la possibilité de vous relever. De rebondir comme ils disent dans les forums de psychologie.

Et bien ça mes amis, c’est une putain de bonne nouvelle pour commencer une journée.

Vous ne croyez pas?

mercredi 25 mai 2011

De Valencia à Cartagena

37°35.786N 00°58.814W
Cartagena

Quel jour sommes-nous aujourd’hui ? Mercredi, le 25... Cela fait donc cinq jours, non quatre, que j’ai quitté Valencia et je suis arrivé hier au soir à Cartagena. Quatre jours pour faire 161 milles… Un petit train de sénateur, comme il convient à une handicapée, mais c’est pas mal quand même. Je suis plutôt content, de moi et de mon bateau.

Le samedi soir j’ai fait escale à Javéa, un petit port niché juste derrière le Cabo de San Antonio. Une falaise de je ne sais pas combien de centaines de mètres tombant à pic dans les flots. Magnifique.
D’ailleurs puisqu’on parle de « Cabos », si je me suis arrêté à Javéa c’est pour pouvoir enquiller dans la journée du lendemain toute une tripotée d’autres Cabos qui marquent la pointe orientale du Valenciana… Un cap, et a fortiori plusieurs, c’est toujours un endroit délicat à passer car on ne sait jamais ce qui peut vous attendre derrière. Un vent violent soufflant en rafales, des courants contraires… Bref, il faut s’attendre à tout, être attentif et se tenir prêt à improviser si jamais les choses venaient à dégénérer.
Cela-dit, le spectacle est assez réjouissant pour l’œil (Pour une fois aurais-je envie d’ajouter), et la navigation est facilitée par tout un tas d’amers, tous plus remarquables les uns que les autres.

Bétonnage
Bon, bien sûr les espagnols n’ont pas pu s’empêcher de pourrir les plus beaux sites, parfois de façons carrément improbables, avec des monstruosités immobilières de toutes sortes. Ça va du lotissement immonde accroché sur un bout de pente abrupte et désertique, à la concentration, façon Hong-Kong sur mer, d’affreuses tours résidentielles. Tout cela étant bien entendu vide de tous occupants comme nous en avons déjà parlé…
Moi qui jusqu’alors pensais la Côte d’Azur comme étant l’exemple type du bétonnage anarchique, je m’aperçois qu’en fait nous sommes des petits bras par rapport aux ibères. Quand on pense qu’il y a vingt ans, une ville comme Benidorm n’était qu’une simple petite bourgade… Un vrai massacre, voilà ce que je pense.

Benidorm
Le dimanche soir, escale à Villajoyosa. J’ai choisi cet endroit parce que j’aimais bien son nom, et effectivement la ville est plutôt jolie avec ses façades de toutes les couleurs… Du rose, du bleu, du vert, de l’ocre… On aurait dit une peinture d’art naïf.
Mais comme la veille, je n’ai pas pris le temps de me balader dans les rues. Après dix heures de mer, le Gwen n’aspire qu’à une chose, manger et dormir. Surtout que le lendemain il faut repartir de bonne heure… Alors le tourisme ce sera pour plus tard.

Le lundi, j’ai enfin eut des conditions de vent à peu-prêt correctes. Un doux zéph de force trois, bien régulier, qui m’a permis de tenir un bord de près en plein dans le cap qui me convenait… La Boiteuse bien calée sur son tribord, fendant les vagues à quatre nœuds de moyenne pendant près de quatre heures, et cela sans même que moi ou Monsieur Pilote n’ayons besoin de tenir la barre ! Un pur plaisir.
D’ailleurs, j’ai eu envie de vous en offrir un petit bout…


Le soir, escale à Torrevieja. Là je suis tombé sur une marina du genre guindée avec marineros en pantalons à pince et polos siglés. La capitainerie (pardon, le club !) était digne d’un hôtel cinq étoiles, avec escalier en marbres et boiseries vernies. Les pratiques portuaires étaient bien sûr à l’image du club… D’un élitisme achevé.
Élitisme
Par exemple, figurez-vous que chaque place de quai dispose de son compteur électrique personnalisé (c’est la première fois que je vois ça de ma vie), et lorsque vous vous étonnez de la chose on vous explique que c’est plus « juste » comme ça car tout le monde ne consomme pas la même quantité d’électricité… Sauf qu’au final ils vous facturent la consommation à 0,28 €/KW, alors que les grosses unités à demeure disposent elles d’un tarif dégressif…
Bref, sous couvert de rendre les choses plus équitables ils entubent bien profond le petit voilier de passage, comme les gros connards de capitalistes (d’escrocs) qu’ils sont.

Evidemment le prix est plutôt élevé pour la basse saison (26,44 €), mais le wifi est généreusement offert par la direction. Sauf qu’il ne marche pas ! J’imagine que d’ici peu ils arriveront à le faire fonctionner avec l’aide d’un opérateur privé qui se fera un plaisir de facturer chaque connexion en échange de son efficience…
Ombre
D’ailleurs je crois que je vais m’inventer une nouvelle règle : Toujours se méfier d’une marina qui peint ses pontons en vert. C’est pas normal comme couleur pour un ponton, ça laisse imaginer que ceux qui l’arpentent souhaiteraient marcher sur une belle pelouse bien taillée pour accéder à leur bateau… Alors que les vrais marins s’en foutent pas mal.

Je hais littéralement ce genre de pratiques, elles sont la honte de l’humanité et qui plus est fort éloignées de la tradition maritime d’hospitalité et d’entraide. En tous cas de l’idée que moi je me fais de cette tradition… Peut-être que je ne suis qu’un vieux dinosaure aux idées moisies et utopistes, mais je n’en démordrais pas.

C’est donc pas mécontent du tout que je suis parti de là pour rejoindre Cartagena, une petite quarantaine de milles plus à l’Est.

A l'attaque !
Alors que la Boiteuse venait de quitter Torrevieja, glissant sur une mer d’huile (putain d’anticyclone à la con !), deux oiseaux dont je n’ai pas pu identifier l’espèce, sont venus jouer avec elle. Pendant une bonne vingtaine de minutes au moins ils ont virevolté autour du bateau en s’intéressant plus particulièrement à la Grand-voile. Ils s’en approchaient, l’un à la suite de l’autre, à toute vitesse comme s’ils voulaient la percuter, puis décrochaient au dernier moment. Un petit tour histoire de se remettre dans l’axe d’approche, et rebelote !
Je ne sais pas ce qui les attirait ainsi… Un reflet dans la GV sans doute.
J’ai essayé de les chopper au passage avec l’APN, mais ils volaient si vite que j’ai eu un peu de mal.

El Capitan
Quelques heures plus tard j’ai eu la surprise de voir ce qui m’a semblé être un petit avion d’entrainement militaire, survoler à basse altitude le mât de la Boiteuse. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je l’ai salué avec des grands gestes (peut-être que je m’ennuyais) et alors qu’il me dépassait par tribord, celui-ci m’a répondu ! Oui je vous jure ! Il a battu des ailes en réponse à mon salut ! C’est dingue !
Je suis tout seul sur l’eau, et un avion passe et me dit bonjour… Après l’épisode des oiseaux, voilà un de ces petits moments qui égayent mes longues heures de navigation. Je regarde autour de moi, et je m’amuse d’un rien.

Depuis Valencia et ce putain d’anticyclone, il fait chaud. Très chaud. Aussi j’ai pu enfin entreprendre de peaufiner mon bronzage qui jusqu’alors aurait pu passer pour celui d’un travailleur agricole. Les parties visibles d’un joli brun qui me rappelle le caramel au beurre salé, et les parties cachées aussi blanches que de la farine.
En trois jours je suis passé de la polaire au teeshirt, du teeshirt au débardeur, et du débardeur à rien. Et quand je dis rien, c’est rien. Enfin si, juste mon chapeau et mes chaussures.
J’ai toujours rêvé de pouvoir faire ça, je veux dire être nu sur mon bateau… C’est un peu compliqué à expliquer, mais à mon sens cela participe de la vie que j’ai envie de mener en mer. Je ne suis pourtant pas un adepte du nudisme, et cela n’a rien à voir avec de l’exhibitionnisme puisque personne ne me voit, mais j’avais envie de le faire… Alors je l’ai fait.
Bon ok, pas longtemps car j’ai très vite senti que mes blanches parties cachées commençaient à cramer, et puis je ne sais pas si vous le savez, mes lorsqu’on est nu, il faut faire un peu attention où l’on pose ses fesses… Car sous ce soleil le banc du cockpit frise les 45°C !


Vers 16H00, j’aperçois enfin les montagnes qui délimitent l’entrée du port de Cartagena. Je ne suis pas fâché d’arriver car depuis quelques heures je surveille avec appréhension la jauge de mon réservoir… Je suis short en gasoil, n’ayant pas fait le plein depuis Javéa. Mais ça c’est bien passé, l’aiguille était dans le rouge que je suis arrivé une heure plus tard, mais je ne suis pas tombé en panne. Ça m’aurait pas vraiment fait plaisir…

Los indignados
Je vais rester à Cartagena quelques jours, histoire de me reposer un peu et attendre que l’anticyclone se tasse un peu… Faire du moteur en permanence n’est pas bon, ni pour ma Boiteuse, ni pour mon porte-monnaie. Je vais en profiter pour visiter la ville. Nous ne sommes plus dans le Valenciana mais dans la communauté de Murcie (Murcia), et il me tarde de voir s’il existe une réelle différence avec les autres provinces que j’ai déjà visitées.
Alors que je faisais en toute fin d’après-midi une première et brève incursion dans la cité pour m’acheter de quoi manger, je suis tombé sur un de ces rassemblements citoyens qui fleurissent en Espagne depuis le 15 Mai… Los indignados occupent une place comme d’autres le font à Madrid et réclament la Démocratie Réelle « Ya ! », c’est-à-dire maintenant. Je pense que j’irais y faire un tour aujourd’hui ou demain pour y glaner quelques informations sur ce qu’il s’y passe exactement.

A suivre !

La Costa Blanca

samedi 21 mai 2011

Petit matin

39°25.893N 00°19.917W
Valencia

El Micalet
05H13 du matin, je me demande si j’ai le temps de vous laisser quelques mots avant de partir… Oui ? Non ? Allez, on va dire que oui, et puis comme ça cela vous fera de la lecture pour le weekend.

Donc je m’en vais enfin de Valencia. Je dis bien enfin car cette escale de quinze jours aura été en tous points désagréable. Bon, ce n’est pas tant d’avoir eu une grosse panne et d’avoir attendu tout ce temps pour réparer qui m’a été désagréable, mais je pense vous l’avoir assez suffisamment décrit, le lieu où il m’a fallut attendre. Je ne suis vraiment pas fâché de quitter Valencia, même si je regrette cependant de n’avoir pas pu visiter la ville autant que je l’aurais voulu. Trop loin, trop chiant, je suis passé à côté de pas mal de jolies choses…
Mais c’est pas grave, des jolies choses j’en rencontrerais d’autres et des plus belles je n’en doute pas.

Hier j’ai donc réglé mes factures. Celle du mécano, 170 €, et celle du port, 239 €.
La première je l’ai trouvé un peu chère pour trois heures de boulot (mais bon), et la seconde raisonnable. Surtout que, comme me l’a si gentiment rappelé el contremaestre, celui-ci ne me comptait pas le coût du remorquage…
Et oui, c’est que j’avais un peu oublié dans quelles conditions j’avais mis les pieds ici, accroché à la remorque d’un zodiac !

J’ai remercié humblement et j’ai donné mon congé.

Celle-là elle est pour Bourreau !
Ensuite j’ai passé la journée à ranger un peu le bateau, j’ai fait quelques courses pour pouvoir remplir mon estomac pendant la semaine qui vient, et puis surtout j’ai utilisé cette journée pour me mettre en condition « voyage ».
Car, il me semble vous en avoir déjà parlé, on n’appareille pas comme ça sur un claquement de doigts. Il faut préparer plein de choses, et surtout, du moins en ce qui me concerne, il faut se mettre dans l’état d’esprit qui convient. Moi par exemple j’ai besoin d’une journée pour arriver à me « conditionner », et passer du mec qui glande sur un ponton, en marin bouffeur de milles.
Je regarde mes cartes, j’analyse la météo, et puis peu à peu mon cerveau s’émule et se transforme… La curiosité de découvrir d’autres lieux et l’envie de naviguer me reviennent, et alors que je me satisfaisais de ne rien faire, j’ai soudain envie de m’activer. Il me faut au moins ce temps-là pour me projeter de nouveau dans l’avenir.

Cliquez dessus pour agrandir
Alors je vous trace rapidement le programme des prochains jours. Ce soir je devrais avoir rallié le port de Javéa. Puis demain, je rejoindrais celui de Villajoyosa. Lundi, escale à Torrevieja, et enfin mardi je devrais arriver à Cartagena.
Cartagena, où je resterais deux-trois jours pour m’imprégner de la capitale de la province de Murcia.

Bon voilà, il est six heures trente et je vais devoir m’activer. Je vous laisse.

jeudi 19 mai 2011

Vroum vroum !

39°25.893N 00°19.917W
Valencia

Tadaaaa !!!
Ce matin, alors que je me rendais chez Paco, via les chiottes, pour savoir si cette foutue pompe était arrivée, je me passais déjà en tête les mots anglais que j’allais devoir utiliser pour relancer mon vendeur. Je me disais, il va falloir que je lui demande le numéro du colis pour vérifier avec DHL tout ça… Bref, je partais dans l’idée qu’encore une fois je ferais chou blanc aujourd’hui.

Et bien non ! Homme de peu de foi que je suis ! Elle était là ma pompa !

Elle était là, posée sur un meuble, rutilante, un sourire goguenard aux lèvres.
Oui, je vous le confirme, les pompes peuvent avoir un sourire goguenard aux lèvres. Surtout quand elles sont à eau douce.

Bilal
Trop heureux de la voir arrivée, je ne l’ai plus quitté des yeux jusqu’à ce qu’un des employés de Paco, Bilal, m’accompagne une demi-heure plus tard à la Boiteuse où nous nous mettons aussitôt au travail. Oui je dis nous, car j’ai fait mon possible pour participer, tenant le manche d’une clef par ci, dévissant un écrou par là, afin de pouvoir refaire l’opération si jamais il m’arrivait d’avoir de nouveaux ennuis. J’ai été un bon élève, et j’ai appris plein de choses. Notamment que des roulements à bille en acier peuvent tout à fait se transformer en copeau de métal…

Trois heures plus tard, je mettais le contact et la vieille Mercedes après avoir toussé quelque peu s’est mise à ronronner comme une chatte. Ouf ! Vous ne pouvez imaginer le plaisir que j’ai eu à entendre de nouveau ce bruit si particulier de mon vieux diesel. C’était… Jouissif !

On change !
Donc, vous vous doutez bien que je vais faire en sorte de me casser d’ici le plus vite possible. Pour ce faire j’ai jeté un œil rapide sur la météo mais hélas celle-ci ne m’est guère favorable. Un énorme anticyclone est sur le point de s’établir sur le sud de l’Espagne et va empétoler tout ce qui navigue pendant quelques jours. Je n’ai que deux ou trois jours pour filer d’ici avant que de me retrouver coincé…

Donc, départ samedi pour une destination que je n’ai pas encore planifiée, le but du jeu étant de rallier Alicante en trois jours. Avec, je l’espère, des possibilités de mouillage entre ici et ma destination.
Je vous en dirais plus une fois que j’aurais étudié à fond la question.

Voilà-voilà ! Content le Gwen !

mardi 17 mai 2011

L’ennui

39°25.893N 00°19.917W
Valencia

Je me dis que vous devez vous demander ce qui se passe, ou du moins où j’en suis de cette escale à Valencia.
Et bien je poireaute. Je poireaute et je poireaute encore. La pompe à eau que j’ai achetée sur eBay la semaine dernière n’est toujours pas arrivée, donc je poireaute… Bon je sais, il faudrait peut-être que je m’en inquiète et bien c’est-ce que j’ai fais. Hier, j’ai contacté le vendeur pour lui demander où tout cela en était et il m’a confirmé que ma pompe était bien partie le 10 mai, et expédiée via DHL à la bonne adresse, ici à Valencia… En dehors de ça, je ne peux rien faire d’autre qu’attendre.

J’ai regardé sur Google et je sais que cette pompe à 1854 Km à parcourir. Vu le prix que j’ai payé pour la livraison (11 €), je me dis qu’elle ne va pas venir en avion… En camion, peut-être ou alors à pied ? Ce qui est tout à fait envisageable pour une pompe, vous en conviendrez.

J’en rigole, mais étant donné la configuration de la marina, son isolement, je me fais plutôt chier… En fait non, je suis en train de retrouver le rythme de vie qui était le mien avant que je ne parte, et c’est ça qui me fait chier. Internet, jeu, films… et je ne sors du bateau que lorsque c’est vraiment nécessaire. Autant dire que je végète.

Donc, vous vous doutez que j’ai plutôt hâte de foutre le camp d’ici.

Cela dit, je suis allé faire un tour dans les environs et je suis tombé sur un truc que je n’avais jamais vu… Il s’agit d’un type d’amarrage dans un bras de rivière, où les bateaux sont attachés à des tyroliennes.
Voilà où j’en suis, vous vous rendez compte ? Je m’extasie devant des petits bateaux attachés à des câbles sur une rivière polluée cernée par les échangeurs routiers… On est loin des petites criques désertes et accueillantes que je voyais dans mes rêves éveillés.

Je suis commes ces bateaux, je reste pendu à un fil et j’attends que l’on vienne bien me décrocher pour aller faire une virée. Pathétique.

Quoique. Ces rêves ils sont toujours là dans ma tête, et il ne tient qu’à moi de les ravivés. Allez ! C’est-ce que je vais faire. Je vais me secouer un peu les puces et me pencher sur mes cartes pour visualiser ce qui m’attend une fois que j’aurais quitté ce trou. Ouais, on va faire ça…

samedi 14 mai 2011

Deux visions de Valencia

39°25.893N 00°19.917W
Valencia

Aujourd’hui je vous propose deux regards sur la ville de Valencia. Deux visions radicalement différentes et pour cause elles proviennent de deux endroits différents. Enfin, pas tant que ça… Car dès que vous avez fini d’embrasser du regard la première et que vous vous retournez, vous pouvez commencer à contempler la seconde. Deux mondes qui se touchent et pourtant deux mondes qui semblent s’ignorer.

A l'abandon...
Depuis que je suis arrivé à Valencia, enfin au Real Club Nautico de Valencia, ce qui fait une énorme différence comme vous l’avez pu lire dans mon précédent article, ce qui m’a le plus impressionné dans cette ville, ce ne sont pas les processions religieuses, les ruelles de la vieille ville ou encore les courbes bizarroïdes de la cité des sciences... Non, ce qui m’impressionne le plus ce sont ces quartiers périphériques que je traverse en bus lorsque je veux me rendre en ville. Des quartiers pourris, à l’abandon, où s’entasse une population aussi hétéroclite que pauvre.

Vous allez me demandez, pourquoi est-ce que je m’attache tant à ce qui est moche et sale, alors que je me trouve dans une ville où l’histoire a laissé tant de merveilleux chef-d’œuvre architecturaux ?

Taudis...
Sans doute parce que parce que, comme souvent chez le voyageur, c’est la première approche, le premier coup d’œil qui forge l’impression générale et qu’il est difficile de s’en défaire par la suite. Ou peut-être aussi parce que ces quartiers de Natzaret et de la Punta sont pour moi une illustration parfaite de ce que le « progrès » peut faire comme dégâts à un tissu social... Le « progrès » et son cortège de cupidité et de mégalomanie immobilière.

Lorsqu’on parcoure ces quartiers, on devine ce qu’il s’y est passé depuis ces dernières décennies... D’abord était la terre fertile de la plaine de la Turia. De petites communautés d’agriculteurs s’y installent et prospèrent, alimentant la ville de leurs récoltes. Il faut imaginer cette plaine parsemée de ces petites maisons traditionnelles aux toits à deux pentes dont il reste ça et là quelques exemplaires. Puis au XIXème siècle l’habitat se regroupe autour d’une rue principale, les façades se décorent de faïences colorées. C’est l’époque de la prospérité qui s’affiche et dont il reste quelques exemples décatis.

Ancienne maison de ferme
Et puis la ville s’est agrandie… D’abord industriellement avec des entrepôts et quelques fabriques qui sont venus coloniser l’ancien territoire agricole. Puis on a voulu construire des logements peu chers pour les ouvriers de ces mêmes fabriques. Des immeubles en brique sans esthétisme ni confort.
Encore plus tard est arrivée le fric de la spéculation immobilière… On a vu grand, très grand. On a construit des routes et des ronds-points, viabilisé des parcelles. On a imaginé je ne sais quel riche avenir pour cette partie de la ville… Mais pour que cet avenir puisse voir le jour il fallait auparavant se débarrasser des vestiges du passé. Ces quartiers on donc été asphyxiés méthodiquement. Plus d’entretien de la voirie. Un réseau d’assainissement digne d’une favela brésilienne… Les habitants ont commencé à partir, et ceux qui s’entêtaient ont été expropriés.

Fin du rêve...
Et puis tout s’est écroulé. La boulimie immobilière a étouffée Valencia, stoppant net le « progrès » et ses grands projets immobiliers. Aujourd’hui, les entrepôts sont à l’abandon et les usines sont en ruine. Les belles routes ne conduisent plus nulle part, les parcelles prévues pour accueillir de somptueuses tours sont restées à l’état de terrain vague et les immeubles qui avaient commencé à pousser ressemblent maintenant à des mécanos qu’un enfant aurait abandonnés dans un coin de sa chambre. Les maisons jadis coquettes sont devenues le refuge des pauvres, des prostituées immigrées et des exclus. Et quand je dis exclus, je parle ici des gitans. Ces espagnols même pas blancs, voleurs de poules et chiffonniers.

Ces quartiers voués jadis à une mort programmée au nom du progrès survivent comme un furoncle, à deux pas de la démesurée Cité des Arts et des Sciences. Vraiment à deux pas… De l’autre côté de la route. Et que peuvent bien se dire leurs habitants lorsqu’ils regardent par leurs fenêtres ces délires architecturaux ? J’aimerais bien le savoir…

Contraste

Meeting
Autre jour autre lieux. Alors que je marche vers le centre, en passant devant les arènes je tombe sur un rassemblement politique. Un meeting du PSOE doit se tenir dans l’enceinte. Il y a beaucoup de monde… Les élections régionales et municipales ont lieux la semaine prochaine et tous les partis sont sur les dents, rivalisant de promesses électorales démagogiques. Je ne m’attarde pas car l’objectif du jour est de visiter un temple… Un temple de consommation, le Mercat Central.
Chaque ville espagnole a le sien, et celui de Valencia est de toute beauté. Un édifice en forme de croix où les vitraux laissent passer une lumière vive et colorée. Une église dédiée au commerce, le commerce des produits locaux et pittoresques, mais du commerce quand même.

Un autre genre d'église...
Comme dans les autres églises, il y a plus de touristes qui visitent ces lieux, appareil photo en bandoulière (comme moi !) que de croyants. Euh de clients ! Et ceux-ci viennent de partout. Surtout espagnols, mais également beaucoup d’étrangers attirés par le côté pittoresque de la chose. D’ailleurs c’est en parcourant les allées que j’ai entendu parler français pour la première fois depuis huit jours.

On s’extasie sur la fraicheur des aliments proposés. On photographie la tête de quelques poissons hideux. On lève les yeux pour admirer les charpentes d’acier… Une odeur particulière faite d’un mélange de tout ce qui peut se manger au monde flotte dans l’air. Tous les sens sont en éveil, charmés.

Mmmm...
Chaque corps de métier est représenté et ceux-ci ne se mélangent pas. Les bouchers avec les bouchers, les primeurs avec les primeurs et les poissonniers avec les poissonniers… Seule exception à la règle : Les tripiers. Eux on les a rangés avec les poissons. Allez comprendre…

Je m’extrais à regret du temple, non sans avoir oublié de verser mon obole avant de partir. J’ai dans mon sac deux steaks hachés… Eh oh, pas n’importe lesquels ! Des steaks hachés de mouton ! Ma viande préférée…

Pour rejoindre mon arrêt de bus il me faut marcher. Beaucoup. Je pourrais me l’éviter mais le temps est aux économies… J’explique : Le bus à Valencia est très cher, beaucoup plus cher qu’en France. 1,30 € le trajet, sans possibilité de changement. Et pour moi cela signifie que pour rentrer sans frauder cela va me couter 3,90 €. D’ailleurs maintenant que j’y pense, si l’on voulait interdire le centre-ville aux populations vivant en périphérie on ne s’y prendrait pas autrement…

Un pont et plus de rivière...
Alors je marche. Et mes pas m’amènent dans l’ancien lit de la Turia. Il me semble vous l’avoir déjà dit, mais la Turia est le fleuve qui traversait Valencia jusque dans les années 60 où il eut la malencontreuse idée de déborder un peu trop. Du coup la municipalité l’a carrément détourné et a aménagé sont lit en parcs et en jardins.
C’est agréable… J’y croise des enfants qui ont toute la place du monde pour s’ébattre, des sportifs qui font du sport, des étudiants qui étudient en puisant leurs idées dans la bouche de leur voisin (ou voisine !).

Et puis tout au bout on arrive à la Cité des Arts et des Sciences… Là, c’est tout autre chose. 

Star Trek
On est dans le délire le plus assumé ; Le palais des arts ressemble à un vaisseau spatial et le palais de la science ne ressemble à rien… Enfin si, avec un peu d’imagination on pourrait peut-être, à la rigueur, y deviner les détails de quelque échinoderme marin… M’enfin, l’art moderne et moi cela fait deux, aussi je ne prétends pas être un observateur impartial.
J’observe cependant que malgré le spectacle plaisant de quelques jolies touristes la foule nombreuse ne parvient pas à remplir tout l’espace… C’est trop grand. Oui c’est ça que je n’aime pas, tout est fait pour rendre l’humain minuscule. Même l’espace entre les constructions, comblé par d’immenses plans d’eau, fait que l’on se sent comme écrasé par le gigantisme… Qui a pu avoir cette idée saugrenue de vouloir à ce point exclure l’être humain en le ridiculisant ainsi ? C’est la question que je me posais alors que je m’asseyais enfin sur le banc de l’arrêt de bus.

Trop grand...
Et puis je me demandais de nouveau ce que pouvaient bien penser les habitants des quartiers de Natzaret et de la Punta de tout ça. Eux qui ont quand même réussit à maintenir un semblant d’humanité dans ce no man’s land où ont les a parqué, que pouvaient-ils se dire en regardant ce que le progrès avait façonné ?








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