jeudi 24 novembre 2011

Aux urnes marocains !


30°25.322N 09°37.025W
Agadir

M6
Le 25 novembre, demain donc, aura lieu un événement important pour le Maroc. En effet, ce vendredi les marocains sont appelés à élire leurs députés dans le cadre d’élections législatives anticipées. Vous commencez à me connaitre, je ne pouvais décemment pas passer à côté d’une occasion pareille pour donner mon avis sur la question, même si personne ne me le demande. Surtout si personne ne me le demande, d’ailleurs…
Alors, pour ceux que mes digressions politiques agacent, je peux leurs suggérer d’aller se promener, ou de lire un bouquin, au choix. Pour les autres, on y va.

Il est question d’élections législatives anticipées donc, et comme leur nom l’indique ces élections interviennent bien avant la date prévue. Petit retour en arrière pour ceux qui ne suivent pas.
Lorsque la Tunisie, puis l’Egypte et la Libye ont commencés à s’agiter dans le cadre de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le printemps arabe, la Maroc n’a pas échappé au mouvement. Tous ceux qui jusqu’alors fermaient leur gueule de peur de se prendre des coups de bâton sont descendus dans les rues et ont réclamés leur part de liberté et de démocratie. On peut dire que le mois de février fut chaud au Maroc. M6, fut plutôt clairvoyant sur ce coup-là, et contrairement à ses petits camarades despotes qui traitèrent les premières manifestations avec mépris, il commença à flipper grave.

Bonne question
Pour éviter qu’il ne lui arrive ce qui arriva aux autres, le roi décida de lâcher du lest afin de couper l’herbe sous le pied au mouvement. Le 9 mars, dans un discours au bon peuple, il annonça la mise en place d’une commission destinée à réformer la constitution. Le but du jeu, passer d’une monarchie de droit divin à quelque chose ressemblant à une monarchie plus constitutionnelle. Malheureusement pour lui, le bon peuple prenant ce discours pour ce qu’il était, une tentative désespérée de désamorçage, continua à défiler pour maintenir la pression et demander des réformes plus en profondeur. Et notamment qu’on arrête un peu de mélanger la politique et la religion. D’autant que les membres de cette commission étaient tous des proches du pouvoir...

Là pour le coup, jugeant en avoir assez fait pour ses manants, le roi fit donner la troupe. En avril, mai et juin, toutes les tentatives de manifestation populaire furent violemment réprimées. Le 17 juin, alors qu’on en est déjà à un mort et des centaines de blessés, la commission annonce les bases de la nouvelle constitution. Désormais le premier ministre ne sera plus nommé par le roi himself, mais sera le vainqueur des élections législatives (ben oui, avant ce n’était pas le cas, tout ça pour vous dire qu’on revient de loin !). Et celui-ci aura une bonne partie des prérogatives qui jusqu’alors étaient réservées au roi seul.
Indépendance de la Justice, création d’une cours constitutionnelle, égalité civile entre l’homme et la femme, sont également proposés. La liberté de conscience initialement au programme fut supprimée de la mouture finale suite aux pressions des islamistes. Mais avant tout chose il fallait que cette nouvelle constitution soit acceptée par le peuple. Ce qui fut fait le 1er juillet par voie référendaire.
97,58 % de oui, avec un taux de participation de 75 %. Du jamais vu au Maroc de mémoire d’électeurs.

Du coup les élections législatives d’où est sensé émerger le prochain chef du gouvernement marocain, initialement programmées en septembre 2012, furent avancées à la date de demain, le 25 Novembre 2011.

On en est donc là.

Casablanca le 13 mars 2011
Au Maroc, comme ailleurs, on peut retrouver le clivage gauche-droite, mais comme jusqu’à présent les partis politiques faisaient figure de potiches vis-à-vis de l’hégémonie royale, le clivage n’avait pas vraiment lieu de s’exprimer. Si les marocains attendent un premier résultat de ces élections, c’est bien celui-ci. Enfin les idées, les programmes, vont pouvoir prendre le pas sur les coalitions de complaisance, les petits arrangements entre amis. Maintenant il va falloir se mettre à faire de la politique pour de bon.
Bon, étant donné la corruption endémique, qui touche toute la classe politique, j’imagine que ce qui émergera de ces élections ne sera guère différent de la représentation actuelle… On va être dans du néolibéralisme à la sauce nationaliste. Mais on peut dire que c’est déjà un début.

Reste à savoir si les marocains voudront bien se saisir de cette chance qui leur est offerte. Le taux de participation sera la première chose à observer dans ce scrutin. Ensuite, il faudra faire gaffe à la montée d’un parti au joli nom bien propret de Parti de la Justice et du Développement. Celui-ci se réclame d’un islamisme modéré (sic), et comme en Lybie et en Tunisie, il y a de grandes chances que celui-ci gagne du terrain…

A suivre donc.

dimanche 20 novembre 2011

Rencontre au détour d’un ponton

30°25.322N 09°37.025W
Agadir

VSD II
Le 26 juin 1979, j’avais 12 ans et des brouettes, avait lieu l’arrivée mythique de la Transat en double Lorient-Les Bermudes-Lorient. Je dis mythique parce qu’après de sérieuses avaries, un trimaran aux allures révolutionnaires et pourtant d’une simplicité à laisser baba tous les amateurs actuels, remontait tous ses concurrents, et finissait premier en doublant moins d’une demi heure avant l’arrivée, le duo Tabarly-Pajot à bord du célèbre Paul Ricard… Il s’agissait du trimaran VSD II que barraient à l’époque les fameux Eugène Riguidel et Gilles Gahinet.

Quel ne fut pas mon étonnement lorsque j’appris à mon retour de ma balade marocaine que cette célèbre coque était là, dans la marina d’Agadir !

Simplicité...
Lorsque Stuart Rogerson, un passionné de pirogues traditionnelles, nous invita, un voisin et moi, à monter à bord pour prendre un café, nous avons pu à loisir admirer la simplicité de son équipement autant que sa robustesse. A l’intérieur on est loin des désormais habituels bidules électroniques, des machins hydrauliques et autres gadgets à la con. C’est du brut de chez brut. C’est un trimaran de course, pas vraiment équipé pour la croisière, et malgré quelques aménagements bricolés de-ci-delà, on sent bien que la bête est restée dans son jus. Elle a été conçue pour aller vite, pour voler sur les océans. Pas pour emmener promener bobonne !

Alors bien sûr, ce bateau de légende n’est plus vraiment capable d’engranger les 250 milles par jour qu’il avalait du temps de sa jeunesse, mais il navigue encore pour le plus grand plaisir de son propriétaire, de son fils et sa belle-fille. Et le plaisir de ceux qui les rencontre…

Modernité...

et robustesse !

jeudi 17 novembre 2011

Une balade marocaine

30°25.322N 09°37.025W
Agadir

Comme vous le savez, en tous cas vous le savez si vous me lisez régulièrement, mon visa touristique expirait le 22 novembre et je me devais de le renouveler. Pour ce faire, je décidais d’entreprendre un voyage à travers le Maroc, en autocar et en train, jusqu’à Tanger. De là, je comptais prendre le ferry pour Tarifa, passer la nuit dans une auberge de jeunesse (le Melting pot), et revenir par le même chemin.

En fait, ça c’était le plan de départ… Et je m’en vais vous raconter ce qu’il en a été réellement. Alors accrochez-vous chers lecteurs, ouvrez-bien vos mirettes, je pense que vous non plus vous ne serez pas déçu du voyage !

Le point de départ de mon périple
Ce lundi 14, Après avoir nourri Touline une dernière fois et passer les consignes à un de mes voisins, je saute dans un taxi, direction la gare routière d’Agadir. J’avais l’intention de prendre l’autocar de 15H00 pour Marrakech, mais hélas, un peu comme une augure, je m’entends dire que celui-ci est complet et que je vais devoir attendre celui de 17H00. Qu’à cela ne tienne, j’avais justement prévu un peu large dans l’enchainement de mes moyens de transport, je pouvais donc me permettre ce genre de contretemps.
N’ayant pas fait de sieste, je m’installe confortablement par terre dans un coin de l’esplanade des cars, et je pique un petit roupillon.

A l’heure dite, le car de la Supr@tour se pointe, je monte à bord et nous voilà parti pour deux heures et demie de trajet. Passé la banlieue sordide d’Agadir, le paysage laisse peu à peu place aux plantations  d’arganiers. A perte de vue, ses épineux dont on extrait l’huile d’argan parsèment les pentes abruptes de l’Anti-Atlas. La terre rouge mélangée au vert tendre des buissons n’est pas sans me rappeler le genre de paysage que l’on croise dans l’Esterel… Oui, c’est quasiment pareil, en aussi beau et en plus grand.

La nuit est tombée lorsque l’autocar s’arrête à la gare de Marrakech. La correspondance est aisée, je n’ai qu’à franchir un quai pour accéder au train de nuit qui me conduira à Tanger. Une demi-heure plus tard celui-ci démarre. Il est 21H00.
Bon, je ne vais pas m’étendre sur la nuit que j’ai passée à tenter de trouver le sommeil sur des sièges de train corail qui datent des années 70’… C’était, comment dire, pas reposant du tout. Mais bon, bon an mal an, j’arrive à faire passer le temps et c’est vers 07H00 du matin que le train me dépose en gare de Tanger.

La première chose qui me surprend en descendant du train, c’est la température. 13°C : Nom de dieu, j’avais perdu l’habitude moi ! Brrrr…. Je sors la polaire de mon sac et je l’enfile sous mon blouson. Et la deuxième surprise, c’est quand la pluie a commencée à me tomber sur la gueule alors que je marchais vers le port. Un déluge glacé m’accompagne pendant que je longe la plage en direction du port.
Je repère assez vite la boutique des ferrys, et je m’achète un billet Aller-retour pour Tarifa. Départ 09H00, pas de problème, j’ai tout mon temps…

Billet en poche, carte jaune avec tous les renseignements nécessaires et passeport à la main, je passe alors le contrôle de police. Mes deux petits sacs sont passés aux rayons X, et j’ai même droit un une palpation. Diable, c’est qu’ils ne rigolent pas avec la sécurité me suis-je dis… Le flic m’a même demandé de me déchausser pour soupeser ma sandale droite ! Sandale made in Maroc lui ais-je montré, quelque peu amusé par son zèle. Lui par contre, n’avait pas l’air de s’amuser.
J’arrive devant la douane et là, après avoir tamponné mon passeport, le douanier semble se raviser, rature le tampon, déchire la carte pré remplie par mes soins et me dit que je dois descendre voir un inspecteur… Pardon ? C’est quoi le problème ?
Le douanier semble avoir oublié son français, et passe à autre chose. Je fais donc demi-tour et retourne vers les policiers qui m’indiquent où je peux bien trouver un inspecteur. J’y vais, et là va commencé une longue nage à contre courant qui me mènera de l’inspecteur à l’Ordonnateur adjoint, puis à l’Ordonnateur en chef qui enfin m’expliquera que je ne peux pas quitter le territoire marocain car j’ai ce qu’ils appellent « un contentieux douanier ».


Oui, je sais. Vous aussi vous vous demandez surement ce que peut être ce fameux contentieux… Parce que moi je n’en n’avais absolument aucune idée. Alors je vous explique, vous allez voir c’est tordu, mais en même temps logique.
Lorsque je suis entré au Maroc, je suis venu avec mon bateau. Ok ? Et bien si je dois sortir du Maroc, je dois le faire avec mon bateau. Sinon cela s’apparente à de l’importation illégale de véhicule. Et qu’importe si je fais juste un rapide aller-retour, ce que j’aurais dû faire, mais ça je n’en savais rien et personne ne m’avait prévenu de le faire, c’était de mettre mon bateau sous séquestre à Agadir, avant que d’entreprendre mon voyage !

Je me voyais déjà avoir fait 800 Km en seize heures pour rien. En plus, manque de bol, j’ai dû tomber sur le fonctionnaire marocain le plus intègre qui soit, mais également le plus procédurier. Impossible de trouver un arrangement !
Peut-être que si la douane d’Agadir pouvait effectivement confirmer que mon bateau était bien là, et qu’elle gardait un œil dessus, il était possible que l’on m’autorise à embarquer vers l’Europe… Et pendant que je regarde mon ferry s’en aller sans moi, je saute alors sur mon portable et je joins Samir, le maitre de port de la Marina d’Agadir. Je lui explique ce qu’il m’arrive, et celui-ci me dis qu’il va voir ce qu’il peut faire avec les douanes d’ici…
Commence alors une longue attente qui dura… Toute la journée. De 08H00 à 16H30, je suis resté à faire le pied de grue devant les bureaux de la douane de Tanger, à attendre que quelqu’un appelle et leur confirme bien que je n’avais pas l’intention de quitter le territoire en abandonnant mon bateau. (Manquerait plus que ça !!!)

16H30, à la fermeture des bureaux je vois mon Ordonnateur qui s’en va… Je le chope juste avant qu’il ne monte dans sa voiture pour savoir où on en était, et il m’annonce qu’il n’a rien reçu d’Agadir, que je n’ai qu’à revenir demain…
Là, je suppose que le désespoir a du se lire sur mon visage car il me jette juste avant de démarrer : Et pourquoi vous n’allez pas à Ceuta ?
Parce que le même problème va se poser à Ceuta lui répondis-je. Non, vous devriez pouvoir passer là bas, m’assure t’il. Et de s’en aller.

Je suis resté comme un con pendant une minute ou deux. Je me disais en moi-même, mais pourquoi ne me l’a t’il pas suggéré plus tôt cet empaffé ? Je décide d’en avoir le cœur net et je m’adresse alors à un fonctionnaire avec qui j’avais eu un bon contact (le seul) et celui-ci me confirme que ce peut être jouable. Que cet Ordonnateur si consciencieux avait autrefois travaillé à Ceuta, et que s’il me disait que je pouvais passer, c’est qu’il savait de quoi il parlait… En clair, ici à Tanger on respectait la loi, mais que là-bas à Ceuta, ils étaient tellement pourris que je pouvais facilement passer au travers.

Je regarde ma montre, il est 17H00. Si je prends un taxi, je peux y être dans une heure et demie. Car Ceuta mine de rien c’est à 70 Km ! Ma décision est prise et je saute alors dans la premier Grand Taxi qui passe.
Une heure et quart et 400 Dh plus loin, je me retrouve alors à la frontière avec l’enclave espagnole de Ceuta.

Le trajet fut assez sympa, dans le sens où il est tout de même agréable de se taper le bord de mer à l’arrière d’une Mercedes, fusse-t-elle des années 70’. La côte est splendide et je peux admirer au loin le rocher de Gibraltar où je passais il y a quelques mois… Par contre, alors que nous roulions, je remarque une chose et je m’empresse de demander au chauffeur pourquoi, depuis Tanger, jamais, je dis bien jamais, on ne voit de panneaux qui indique la direction de Ceuta ? Celui-ci est un peu embarrassé et commence à me raconter que Ceuta c’est les Maroc, patati patata, que les espagnols n’ont rien à foutre là, que c’est pas normal… Moi je sourie en pensant à la mesquinerie du procédé qui consiste à ne pas indiquer la route vers l’enclave.
Enfin, à une intersection juste avant Fnideq, un panneau avec Sebta écrit en tout petit. Et nous débarquons alors au poste frontière.

Comment vous dire… Imaginez un parking immense avec plein de Grands Taxis, une foule compacte qui charge et décharge des monceaux de marchandise. Des cris, des poursuites entre trafiquants à coup de chaine (je l’ai vu de mes yeux vu). Des rabatteurs tous les cinq mètres… Bref, un bordel sans nom, une véritable cour des miracles.
Je commence à comprendre pourquoi à Tanger on m’a « suggéré » de passer par là. Les gens passent et repassent la frontière avec des sacs énormes, sous le regard de douanier plus que bienveillants. D’ailleurs c’est bien simple, sitôt j’avais posé le pied par terre qu’on me proposait déjà de faire toutes les formalités à ma place, moyennant finance bien sûr, et que si je voulais, pour la modique somme de 200Dh, je pouvais voir mes démarches grandement accélérées. Je refuse tout net. Moi vivant, jamais je ne paierais un bakchich ! C’est que j’ai des principes, merde ! En plus, de quoi j’aurais l’air si je devenais à mon tour corrupteur après avoir critiqué la corruption endémique de ce pays, hein ?

Mais tout le monde ne pense pas comme moi. Pendant que je faisais la queue pour attendre mon tour, j’aperçois un jeune à vélo qui passe devant tout le monde, sans s’arrêter au guichet des visas de sortie. Il tend son passeport au fonctionnaire de faction, celui-ci l’ouvre à la première page, se saisi d’un billet plié en quatre et le glisse alors négligemment dans sa poche. Et hop, le cycliste passe !
Moi, au guichet, je croise les doigts. Le fonctionnaire tape mon nom sur l’ordinateur, et fronce un sourcil. Puis les deux. Je le vois bien qui se tâte. Il me regarde, me demande pourquoi je vais à Ceuta. Je réponds « tourisme »… Et finalement, d’un geste un peu las, il me délivre le précieux sésame.

Je respire enfin. De l’autre côté les douaniers espagnols ne jettent même pas un regard sur mes papiers. Je me dis que malgré mon bronzage, j’ai une tête d’européen et que quoi qu’on en dise, ça vaut tous les passeports ici…

A votre avis, Ceuta est espagnole ou marocaine ?
De l’autre côté de la frontière je suis en territoire espagnol, et de suite la différence se fait sentir… Alors que je marche le long du bord de mer (la mer méditerranée !), je croise des joggeuses en panty et cheveux au vent. La ville de Ceuta proprement dite est typiquement européenne. Propre (ce n’est pas un cliché), quelques boutiques sont encore ouvertes à cet heure tardive (en passant la frontière j’ai avancé d’une heure, il était donc 20H00). Moi, ce qu’il me faut maintenant trouver c’est : Petit un, un distributeur d’euros. Petit deux, un café où je puis me brancher sur internet. Petit trois, trouver un coin où dormir.
Au bout d’une heure j’avais réussi à faire seulement la première chose. Il était tard je commençais à être fatigué après tous ces événements. Les seuls hôtels de Ceuta semblaient être des quatre étoiles et après avoir tourné et viré, je me suis rabattu sur un des hôtels borgnes qui jouxtaient la frontières. Là j’ai eu une bonne surprise, la première de la journée, en découvrant une chambre proprette avec tout le confort moderne pour seulement 25 €. Télévision et internet compris, le grand luxe quoi !

Un deux étoiles, avec une vue fantastique !
Je ne tardais pas à m’endormir, fourbu que j’étais par tout ce que je venais de vivre.
Le lendemain matin, alors que le soleil se levait en un spectacle superbe sur la baie, je reprenais ma route. Clopin-clopant, car les excès de la veille se faisait sentir, j’ai repris la direction de la frontière, non sans avoir fait un tour au bureau de tabac pour m'acheter une boite de cigares. En chemin je croise presque exclusivement des femmes qui viennent travailler à Ceuta. A l’approche des couloirs grillagés qui canalisent les piétons j’ai l’occasion d’assister à un spectacle incroyable. A cinquante mètres à peine du premier douanier, des femmes âgées sont en train de s’habiller de couches successives de vêtement ! J’en aperçois une qui sous sa gandoura porte au moins quatre ou cinq robes de chambre en tissus éponge made in China. Les parures de draps sont enroulées autour de la taille, les couffins où dorment des bébés sont trois fois trop grand tant ils sont bourrés de marchandises textiles diverses… C’est carrément incroyable.
Je comprends alors que si par hasard les bagages peuvent être fouillés, les femmes elles, ne le sont jamais.

Bon, si elles, elles peuvent passer, il n’y a pas de raison que moi je ne puisse pas, me dis-je. Et je me dirige vers la douane… Là le douanier regarde mon passeport, me regarde, et en me le rendant me dit d’aller voir le Chef ! Mais euhhhh…. !!!! Qu’est-ce qui se passe encore ?

Mais je suis un type docile, alors j’obtempère.
J’arrive devant un guichet où officient trois fonctionnaires à moustache. Ah oui, peut être devrais-je vous préciser que jusqu’à présent, tous ceux qui me faisaient chier portaient tous la moustache, façon Saddam. Je ne sais pas si c’est une règle non écrite ici au Maroc, mais les types rasés ont toujours été plus sympas…
Bref, voilà le Chef qui commence à me dire que je n’ai pas le droit de faire ça, sortir et re-rentrer dans les 24 heures. Ah bon ? Lui dis-je. Et depuis quand ? Là je vois que le monsieur est un peu énervé alors je baisse le ton et je fais ce que je sais faire de mieux, je fais le crétin. Mais Monsieur, tout le monde fait ça, je ne savais pas… C’est que je suis bien embêté moi maintenant… Que dois-je faire ?
Il me répond que je suis sensé resté un mois en dehors du Maroc avant que de pouvoir y rentrer (ce qui est un pur mensonge), et que de toute façon ma sortie n’était pas valable puisque je n’étais pas sorti du Maroc… Comment ça ? Ceuta ce n’est pas l’Espagne ? Demandais-je candidement.
Non monsieur, Ceuta c’est un territoire Marocain ! Colonisé par les espagnols, mais un territoire marocain quand même !

Ah bon… Devant tant de mauvaise foi et de parti pris nationaliste je préfère encore me taire. Je me mords les lèvres pour ne pas le mettre face à ses contradictions et j’accentue encore plus mon air crétin. Je le vois qui hésite, regarde tour à tour ses collègues et comme je ne disais toujours rien, que je ne proposais toujours rien, il prend un air sévère et me dit : C’est bon pour cette fois, mais ne recommencez pas ! Et de tamponner mon entrée en territoire Marocain.

Mornes plaines....
Le retour se fit de la même façon qu’à l’aller. Je reprenais un taxi pour Tanger (300 Dh (moins cher qu’à l’aller (?)), j’attrapais de justesse le train pour Marrakech, avec changement à Casablanca, et de là autocar pour Agadir. Pour arriver enfin chez moi vers 23H30.
Le trajet fut quand même un peu plus agréable. J’ai pu admirer ces plaines immenses, aux terres fertiles. Les troupeaux de moutons, les champs d’olivier, quelques vaches (des Holsteins !)… Je ne pensais pas que la partie nord était aussi verte pour tout vous dire. Là c’est l’hiver, mais j’imagine assez bien ces champs verts à perte de vue. Le blé bien sûr, pour le pain et la semoule, mais aussi l’orge et le soja. Tout est bien irrigué est les oueds qu’enjambe la voie ferrée sont plein d’eau… L’agriculture extensive côtoie l’intensive, et le tracteur dernier modèle croise l’âne et sa charrette.

Cela dit, c’est avec un vif plaisir que j’ai retrouvé mes pénates. Touline avait bien été nourrie pendant mon absence, et même si le bateau ressemblait à Hiroshima après la guerre, je ne lui en ai pas voulu. Elle non-plus d’ailleurs puisqu’elle a semblé vachement contente de retrouver son Papa !

Pour finir, je vous laisse le soin de trouver une morale à cette histoire. Pour ma part, j’ai essayé de vous la raconter telle qu’elle m’est arrivée. A vous d’en tirer les conclusions qui s’imposent.
Mais de grâce, évitez de me ressortir le sempiternel refrain que j’entends depuis que je suis ici : « C’est comme ça, c’est le Maroc… »
Non, ce n’est pas parce que c’est le Maroc que ça doit être forcément comme ça.

samedi 12 novembre 2011

La Boiteuse 2.0

30°25.322N 09°37.025W
Agadir

Mesdames et Messieurs, Demoiselles et Damoiseaux, le Capitaine et son équipage (oui Touline je parle de toi) sont fiers de vous présenter officiellement la Boiteuse dans sa nouvelle livrée.

Tadaaaaaaa !!!!!

Alors ? Hein ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Ça a de la gueule ou bien ?

Ponçage...
Cela m’aura pris presque trois semaines de boulot, pour arriver à ce résultat. Trois semaines pendant lesquelles j’ai eu à apprendre, première chose, comment on peint avec de la peinture bi-composante. Croyez-moi sur parole, c’est pas de la tarte cette saloperie ! Car il ne suffit pas de barbouiller et d’attendre que ça sèche. Non, il faut en mettre, mais pas trop. Faire gaffe aux coulures, éviter de marcher dessus avant au moins 24 heures. Surveiller la météo pour que la pluie ne vienne pas vous saloper tout votre labeur en quelques minutes… Et surtout, surtout, éloigner tout type d’animal du chantier !
Et ça, ça a été le plus dur.

... et Peinturage !
C’est bien simple, depuis trois jours Touline n’a pas mis le nez dehors. Parce que, à la limite, les traces de pattes de chat sur la peinture fraiche ça peut être marrant. Mais ce qui craint vraiment, c’est lorsque ledit chat décide de jouer les tampons encreurs sur le reste du bateau ! Comme si je ne faisais pas moi-même assez de taches comme ça !
En plus, je ne vous raconte même pas avec quelle bassesse s’exprime la vengeance d’une chatte sur votre intérieur… A chaque fois, c’est zone de guerre dans le carré !

Bon, le travail n’est pas vraiment terminé en fait. Il me reste encore quelques raccords à faire, notamment au niveau des taquets où mes aussières sont fixées. J’attendrais pour cela que la dépression qui secoue actuellement le port (oui, encore une) passe. Je pourrais alors remettre la Boiteuse contre son catway et jouer aux chaises musicales avec les amarres et fignoler tout ça. Mais on peut dire que le gros du boulot est fait !

Le souci du détail qui tue
Cela dit, et je me dois d’être honnête avec vous, ce n’est pas, loin s’en faut, du bon travail… Si l’on y regarde d’un peu près, on voit bien les manquements, les coups de pinceau et les grosses bavures qui débordent… Mais bon, j’ai fait de mon mieux (enfin je crois), avec ce que j’avais. Et puis après tout, ce qui compte c’est l’impression que laissera ma Boiteuse lorsque les gens la verront fendre les flots… Et ils n’auront pas le nez dessus !

Je ne sais pas ce que vous en penserez, mais pour ma part je trouve que le blanc lui va bien à ma Boiteuse. Cela met en valeur sa fine silhouette, et lui donne un coté racé… Et que dire de la bande rouge Ducati ? La grande classe, rien de moins.

Maintenant que cette mission que je m’étais confié est terminée, je vais pouvoir me concentrer sur autre chose, et plus précisément sur mon voyage à Ceuta… Ce sera pour la semaine qui vient !

La Boiteuse 2.0

mercredi 9 novembre 2011

Ça chauffe à Hierro !

30°25.322N 09°37.025W
Agadir



Je voulais vous toucher deux mots sur un événement qui est en train de se passer là maintenant, pas trop loin d’où je me trouve et très près de là où je me trouvais… Je veux parler de l’éruption volcanique qui se déroule en ce moment même sur l’île d’El Hierro, aux Canaries.
Peut-être que mes lecteurs européens ont eu vent de cette histoire, ou peut-être pas, mais toujours est-il que j'avais envie de partager cette info avec vous.

Tout a commencé le 10 octobre dernier avec la soudaine apparition d’un bouillonnement suspect au sud de l’île, à quelques encablures du petit port de la Restinga. Coup de chance, un navire océanographique était justement dans les parages et il a pu assez vite se rendre compte que le volcan était tout simplement en train de se réveiller !

Quelques jours plus tard, des lueurs rougeoyantes ont commencées à apparaitre dans la nuit… Les gaz se sont fait de plus en plus opaques et toxiques… Et les habitants de la petite île d’El Hierro ont commencé à baliser !




L’irruption continue en ce moment même. Le Port de la Restinga et quelques plages avoisinantes ont été fermés et les scientifiques nous disent que nous sommes en train d’observer la naissance d’une nouvelle île sur l’archipel des Canaries !

Moi je trouve ça d’autant plus fascinant que j’avais prévu de me rendre à Hierro… Et que si je n’avais pas fait demi-tour pour rejoindre Agadir, je serais probablement là-bas ! Ou pas trop loin en tous cas. Je me souviens vous avoir écris que la géographie des îles Canaries m’avait fortement impressionnée… Et que j’avais essayé d’imaginer comment ces îles avaient pu être aux premiers jours de leur vie…

Et bien leur histoire a probablement commencée comme ça. Par un bouillonnement dans la mer, ce que les savants appellent de façon plutôt rigolote un jacuzzi ! 

Si vous voulez suivre en direct les comptes-rendus des scientifiques à l’œuvre sur le terrain, vous pouvez aller sur le site de EarthQuake-Report. Tout y est décrit heure par heure via Twitter.
Une webcam a été également mise en place pour suivre l’événement au plus près. Elle est accessible en cliquant ICI.

vendredi 4 novembre 2011

Branle-bas de combat

30°25.322N 09°37.025W
Agadir

Une fois n’est pas coutume, c’est installé en tailleur dans le carré de la Boiteuse, bien au chaud, que je rédige ces quelques lignes.
Je dis, bien au chaud, car sans pour autant que ce ne soit pas l’hiver au sens où j’ai l’habitude de l’entendre, les températures ont sérieusement dégringolées ces derniers jours. La faute à cette série de dépressions qui balaie l’Atlantique et dont mes lecteurs européens ont certainement eu à subir les conséquences.
Ici, à Agadir, cela s’est traduit par un branle-bas de combat général. Certains bateaux au fort tonnage ont été ramenés sur le ponton principal, et tout le monde a dû revoir son amarrage en prévision d’une houle de quatre mètres cinquante attendue dans la soirée d’hier. Et celle-ci est arrivée… Mais pas toute seule. Pour la première fois depuis des mois il a plu.
Et pas de la petite bruine de merde je vous prie de le croire. Le ciel nous est carrément tombé sur la tête pendant une bonne partie de la nuit et la houle est entrée dans le port faisant valser la Boiteuse comme si elle était en pleine mer.

Tout est à refaire...
Deux conséquences à tout ça. D’abord j’ai eu la malencontreuse idée de continuer à peindre hier matin, attaquant la partie délicate du cockpit. Et pour ce faire j’ai démonté la capote et le pare-brise en plexiglas… Et j’avais à peine nettoyé mon pinceau que la pluie arrivait, faisant comme une réaction chimique sur la peinture fraiche. Des bulles sont apparues et tout mon travail de la matinée a été ruiné. Je suis bon pour tout poncer et recommencer !
Ensuite, faute de la protection que m‘offrait la capote, j’ai été obligé de me calfeutrer à l’intérieur, fermant tout, hublots et capot de descente. J’ai passé la nuit à écouter la pluie tambouriner sur le pont. Attentif aux mouvements du bateau. Au moindre bruit suspect.
Vers deux heures du matin, n’arrivant toujours pas à trouver le sommeil, je me suis levé pour vérifier une énième fois que les haussières étaient intactes. Et vérifier également celles des bateaux voisins dont les propriétaires n’étaient pas là. Puis j’ai enfin réussi à m’endormir… Jusqu’à ce que cette chipie de Touline me réveille à cinq heures trente du mat, comme d’habitude.
Une courte nuit, donc.

Mais le travail est déjà bien avancé !
Aujourd’hui fut comme la nuit précédente, stressante. Chacun a fait le guet, et les conversations tournaient toutes autour du même thème. La sécurité de nos maisons flottantes. Pour ma part, la Boiteuse étant plutôt légère, moins de six tonnes, je ne risque pas grand-chose en fait. Elle se dandine comme si elle était en pleine mer, et j’avoue que c’est même agréable quelque part de retrouver cette sensation de déséquilibre permanent. Non, le risque vient plutôt des pontons qui ne sont pas de première jeunesse et pas mal abimés. Si ceux-ci venaient à se disloquer, toute la flottille serait alors drossée sur les quais en béton et ce serait la catastrophe… Donc vigilance de tous les instants, et on se tient prêt à décarrer au plus vite si jamais ça venait à dégénérer.

Sinon, je peux vous annoncer que le compromis de vente de la maison a été signé aujourd’hui. Ce qui veut dire que j’ai encore à attendre au moins deux mois avant que de pouvoir m’en aller d’Agadir. Cela fera donc en tout quatre mois et demi d’escale.
Le mouchkila, le problème en dialecte marocain, c’est que je n’ai qu’un visa de tourisme valable trois moi… Je vais donc être obliger de quitter le pays, pour pouvoir de nouveau y entrer et bénéficier d’un autre visa de trois mois. Ca va, vous suivez ?

Mon copain le héron se rapproche...
L’idéal serait de prendre la mer pendant quarante-huit heures et de revenir me percher ici. Mais bon, cela ne me tente guère car ce serait courir des risques inutiles. Non, ce que j’envisage de faire, c’est de me rendre par le bus et le train jusqu’à Tanger, puis rejoindre Ceuta, l’enclave espagnole située en face du rocher de Gibraltar… En gros quinze heures de voyage à travers le Maroc.
Je me dis qu’utiliser les transports en commun pour traverser tout le pays, ce peut être un bon moyen de le découvrir justement… Et puis j’ai toujours adoré les trains de toute façon.
Reste à savoir ce que je vais faire de Touline, mais je gage que je trouverais facilement quelqu’un pour la nourrir pendant deux jours.

Voilà, j’en ai fini pour aujourd’hui. Dehors le vent souffle et fait claquer la bâche qui me sert de taud. La houle semble s’être calmée un peu… Je pense que je vais arriver à trouver le sommeil.