lundi 26 novembre 2012

Eurêka !

Comme je suis un gentil garçon, et avant que de reprendre la mer en direction du Sud, je voulais vous faire partager ce grand moment de joie qui fut le mien lorsque j'ai découvert cette satanée fuite qui me pourrissait la vie.

Y'a pas à dire, j'ai l'air vachement content !


Gringo Cachimbo


23°06.817S 44°15.480W
Matariz, Ilha Grande

Praia...
C'est la fin de la matinée ici dans la baie de Matariz. Le temps est la pluie, vent du Sud oblige, et j'écoute de la musique pendant qu'un ragoût Pommes-de-terre-Saucisses mijote sur la cuisinière.
Tout allait bien, tranquillement, une légère pointe d'ennui flottait dans l'air, lorsque je me suis dit qu'il était peut-être temps que je vous parle un peu mieux de ce lieu où je me trouve. Mais par delà la simple description, je voulais surtout tenter de vous expliquer pourquoi j'aime autant cet endroit.

Cela va faire trois semaines maintenant que j'ai débarqué dans cette île, et que la Boiteuse se dandine sur son ancre à quelques brasses du rivage. Pour quelqu'un qui, il y a peu, critiquait les mouillages, vous allez vous dire que j'ai : soit complètement changé d'avis sur le sujet ; soit que je suis en train de souffrir le martyre. Je répondrais, les deux mon Capitaine. Mais bon, ce n'est pas là le sujet d'aujourd'hui.
Ce que je voulais vous dire c'est que depuis tout ce temps, et à l'instar de mon bateau, je crois que je fais maintenant partie du paysage.
Lorsque, deux fois par jour je descends à terre avec ma petite annexe rouge, je peux être sûr que je vais devoir me fendre d'au moins une demie-douzaine de « Hopa! », et d'autant de pouces levés pour répondre aux saluts qui me sont adressés. Pour la plupart d'entre eux, je suis le Gringo Cachimbo, le gringo à la pipe. Celui qui vit là depuis trois semaines et ne fait pas de vague. Mais attention, je ne vous parle pas de saluts informels du genre signe de tête et bonjour vaguement murmuré que vous adressez à votre voisine du dessus quand vous la croisez dans l'escalier. Je vous parle de vrais et francs bonjours, avec sourires, yeux dans les yeux et parfois même quelques mots histoire de prendre de mes nouvelles ou de commenter le temps qu'il fait.

En route vers le continent
Cela n'a peut-être l'air de rien ce que je vous dis là, mais je peux vous affirmer que d'être salué ainsi, pour la seule raison que c'est la première fois qu'on vous croise de la journée, est pour moi quelque chose de rare et de précieux. Car voyez-vous, depuis bientôt deux ans, j'avais plutôt pris l'habitude d'être considéré comme un dollar sur pattes, et que les saluts dont je faisais l'objet étaient très (trop) souvent conditionnés par ça.
À Matariz, personne n'a rien à me vendre et tout le monde me dit bonjour parce qu'ils ont envie de me dire bonjour. (Enfin, quand je dis que personne n'a rien à me vendre, c'est faux. Avant hier le poivrot du coin est venu me demander, en s'excusant presque de sa démarche, si j'étais intéressé d'assaisonner mon tabac à pipe avec une production locale... Si vous voyez ce que je veux dire. J'ai répondu : non merci, mais c'est gentil de me le proposer ! Depuis, on est des superpotes.)

Remarquez, même si les gens d'ici avaient quelque chose à me vendre, je ne crois pourtant pas que l'appât du lucre conditionnerait leur gentillesse, comme c'est trop souvent le cas ailleurs. Car je crois pouvoir dire que les Brésiliens en règle générale, et plus particulièrement ici à Matariz, sont gentils. Entendons-nous bien, je vous parle d'une vraie gentillesse, d'une vraie serviabilité, d'un désir sincère d'aider autrui...
Je ne compte plus les fois où, lorsque je demande mon chemin à un commerçant, celui-ci sort de son échoppe pour m'accompagner jusqu'à ma destination ! Ou, pour le moins, suffisamment longtemps pour qu'il soit certain que j'arrive à bon port !
De même, depuis que je suis au Brésil jamais personne n'a tenté de m'arnaquer de quelques manières que ce soit. Et ça, après le Maroc et le Cap Vert, je peux vous dire que c'est quelque chose d'éminemment appréciable .
D'accord, vous allez me dire que je ne suis pas allé partout, et notamment dans les grands centres touristiques comme Rio ou Salvador do Bahia, et que je ne peux me permettre de généraliser. Certes, mais je doute toutefois que, à part quelques rares exceptions, les choses soient différentes. Je crois que c'est finalement une caractéristique du peuple brésilien : la gentillesse.

Miss B en bon voisinage
Mais revenons à Matariz. Au début, lorsque je descendais à terre je ne parlais en fait qu'à deux personnes, l'épicier et Diego, l'étudiant en tourisme qui me permet d'utiliser sa clef 3G. En chemin, je me contentais de signes de tête accompagnés d'un sourire, et de quelques Bom Dia ou Boa Tarde. Cette stratégie, car s'en est une, fut payante. En peu de temps, au gré de mes balades, les gens sont venus à moi.
Prenez Ditinho le vieux pêcheur par exemple... Au début, je laissais mon annexe sur la plage, mais le moteur de celle-ci avait la fâcheuse tendance à ne plus vouloir démarrer après quelque temps en position inclinée. Aussi, lassé de devoir ramer une fois sur trois, je décidais d'amarrer Miss B à l'ancien ponton en béton. Un jour, en revenant d'une session Internet, je trouve mon annexe amarrée à une vieille barque de pêche, celle de Ditinho.  J'étais perplexe, jusqu'à ce que celui-ci vienne à moi et m'explique dans son portugais quasi incompréhensible, que mon annexe frottait sur le ponton, et qu'elle risquait de s'y abîmer  Aussi, je pouvais utiliser sa bouée si je le voulais.
J'ai même une fois retrouvé Miss B, alors que Ditinho était parti à la pêche, amarrée à la bouée et pourvue d'une ancre de fortune fabriquée avec un méchant bout de corde et un vieil alternateur tout rouillé.

C'est ça que j'aime à Matariz, cette gentillesse, cette solidarité, cette entraide désintéressée... Et en même temps je me rends compte que ce qui me plaît le plus est d'ordre de l'estime de soi. Lorsque les gens me saluent, c'est moi qu'il saluent, pas mon portefeuille.
Voilà pourquoi j'aime cet endroit. En plus d'un paysage magnifique, d'une ambiance sereine, les habitants de ce village me font sentir que je suis moi. Moi, Gwendal, le Gringo Cachimbo

La Boiteuse
Un bon Coco bien frais !
Une des rue de Matariz
Ma pomme...

jeudi 22 novembre 2012

Après le pétrole, le gaz !


23°06.817S 44°15.480W
Matariz, Ilha Grande

Pouet-pouet !
Il est six heures du matin pétantes, et le petit hors-bord du boulanger débouche à fond les manettes dans la baie de Matariz. À peine a-t-il passé la pointe qu'il actionne son klaxon à poire, et le pouet-pouet interrompe un moment le chant des oiseaux. Tous les matins j'ai le bonheur de voir ce petit bateau fendre les eaux calmes et d'entendre ce bruit qui me rappelle l'enfance. Et je me dis alors qu'il n'existe pas de meilleure manière de commencer la journée...

Pourtant, il s'en est fallu de peu pour que cela se passe autrement. Figurez-vous qu'à peine avais-je mis la bouilloire à chauffer pour préparer mon café matinal, que ma bouteille de gaz m'a lâché ! Heureusement que j'avais mon petit camping-gaz que je trimballe avec moi depuis l'armée, sinon j'aurais dû me priver de mon café, et j'aurais commencé la journée de mauvaise humeur... Et j'aurais sans doute un peu moins apprécié le pouet-pouet du boulanger.

Je le savais, je le sentais, qu'il fallait que j'en achète une autre ! Je l'avais même noté sur ma liste des choses à faire ! Mais hier j'ai eu tellement à courir que j'ai zappé la bouteille, pensant qu'elle allait bien tenir deux jours de plus... En effet, je suis allé à Angra hier pour rechercher la durit responsable de la fuite de gasoil qui me prenait la tête depuis quelques jours. Oui, au final il ne s'agissait pas du joint de culasse, mais d'une durit aussi incontinente que bien cachée. J'ai dû faire trois boutiques avant de trouver mon bonheur, mais ma quête a néanmoins été couronnée de succès. Qui plus est, j'ai effectué moi-même, tout seul, comme un grand, le démontage et le remontage de la pièce. Et j'ai même réussi à purger et réamorcer le circuit d'alimentation !
Bon ok, même si ce sont mes mains qui ont fait le travail, je dois bien reconnaitre que je n'y serais pas arrivé sans les conseils avisés de quelques amis. Alors merci Jean-Pierre, Serge et Norbert ! Et puis aussi, merci Facebook pendant qu'on y est.

C'est bouché
Les problèmes de moteur étant réglés (enfin presque, le reste supportera d'attendre la Grande Visite), je vais pouvoir reprendre ma route... Quand la météo le décidera. Les coups de Sud s'enchaînent maintenant les uns après les autres à un rythme qui s'accélère, ne laissant que peu de place pour se glisser entre eux. Pour tout vous dire, je ne sais pas encore lorsque je pourrais mettre les voiles. Et ça, compte tenu du rendez-vous qui m'attend à Piriapolis, ça a le don de me foutre grave les boules.

Il parait que l'attente fait aussi partie du plaisir... Je ne sais pas qui a dit ça, mais ce devait être un aliéné notoire.

Bon, c'est pas tout ça, mais il faut absolument que je me dégote une bouteille de gaz et un détendeur avant midi si je ne veux pas manger froid.

lundi 19 novembre 2012

Quelque part entre le Paradis et l'Enfer


23°06.817S 44°15.480W
Matariz, Ilha Grande

Praïa Matariz
Je suis sûr que vous vous demandez pourquoi je ne suis pas en mer à l'heure actuelle. Remarquez je dis ça, mais s'il faut vous vous êtes habitués à mes reports divers et variés, tant il est vrai que depuis le début de se voyage je n'ai pas souvent respecté ma parole en ce domaine. Mais en même temps, c'est quand même le privilège du Capitaine que de surseoir s'il le désire.

Bon, commençons par le commencement. Vous vous souvenez que vendredi je devais me rendre à Angra pour faire deux choses : passer à la radio, et appeler mon père pour son anniversaire. L’émission Allô la Planète c'est super-bien passé, mais par contre je n'ai pas pu joindre le paternel. Et ça, franchement, ça m'a fait chier. Lorsque je suis parti, je m'étais promis deux choses. Envoyer à mon père une carte postale de tous les pays que je traverserais, et lui téléphoner le jour de son anniversaire. Ce n'est pas grand-chose j'en conviens, raison de plus pour que je m'y tienne.

En revenant d'Angra je ne me sentais vraiment pas bien par rapport à ça... Et il ne m'en a pas fallu beaucoup plus pour que l'idée de reporter mon départ s'insinue en moi. En arrivant à Matariz ma décision était prise. J'allais au moins attendre jusqu'au mardi suivant.

Angra dos Reis
À cela s'ajoute le fait que j'attendais avec anxiété de savoir si l'équipage de la Boiteuse allait s'agrandir ou pas... Et là, je me dis que vous avez besoin d'une explication.
Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais il y a deux mois à Jacaré j'ai eu la chance de croiser un ange en la personne d'une femme prénommée Zoé. Pendant les quelques jours où nous nous sommes côtoyés, nous avons échangé des regards, des sourires, quelques confidences, des non-dits aussi... Beaucoup de non-dits. Et lorsqu'elle est partie pour les Caraïbes, j'ai ressenti un grand vide. J'avais l'impression d'être passé à côté d'une belle histoire, et je maudissais ma timidité maladive qui m'avait empêché d'être plus entreprenant. J'étais triste, et je l'ai été encore plus lorsque j'ai appris par la suite que tout ce que j'avais ressenti, tout ce qui m'avait fait battre le coeur, et bien elle l'avait ressenti aussi ! Nous nous étions manqué quelque part... Nous sommes restés en contact via les réseaux sociaux, ruminant notre déception, notre frustration. Nous promettant que lorsque je remonterai vers les Caraïbes l'année prochaine, nous ne laisserions pas passer notre chance...
Et puis la vie nous a filé un coup de pouce. Un de ces merveilleux aléas qui font que l'on pourrait soudain croire à la divine providence. Zoé va venir me rejoindre, et nous allons faire un bout de chemin ensemble.

Retour de la pêche
Du coup, vous imaginez bien que la donne ayant changée, je n'ai qu'une hâte, c'est d'arriver le plus vite possible à Buenos Aires pour retrouver mon équipière. Mais hélas les aléas s'ils peuvent être heureux, savent aussi être malheureux.
Samedi, alors que je discutais sur FB avec la Colombie (Salut les Pirates des Lagons !) mon ordinateur c’est soudain éteint en faisant un grand « clac ! ». Depuis, il semble mort... Je dois donc me rendre à la ville pour voir si je peux le faire réparer. Ou du moins récupérer les données qu'il contient. Hughes m'en a prêté un de rechange, mais je préférerais tout de même avoir le mien...

Et ce dimanche, alors que je faisais tourner le moteur pour recharger mes batteries, je me suis rendu compte que du gasoil fuyait au niveau du joint de culasse de mon moteur. En une heure, j'ai perdu au moins dix litres de carburant, directement dans les fonds du bateau avant que de finir dans la baie... Là pour le coup, j'ai pris une grande tape derrière les oreilles. J'étais catastrophé et mon moral est descendu en flêche. J'ai même commencé à vous écrire un texte assassin sur les hauts et les bas de la vie. Comme quoi cette salope était mal fichue, qu'elle s'ingéniait à faire en sorte que les amoureux en chient des ronds de serviette avant que de se retrouver... Bref, j'étais à la limite de devenir croyant et de me croire maudit.

Quelques tours de clef n'y suffiront pas hélas...
Et puis le moral est remonté. Vaille que vaille, au fil des heures j'ai commencé à voir les choses en gris clair, puis finalement en un rose à peu près fluo.
Je me suis dit : mon petit père, ce n'est pas ces contretemps à la con qui vont t’empêcher de retrouver ton amoureuse. Alors, tu prends les choses une par une et tu te démerdes pour les résoudre.
J'ai d'abord pris contact avec un ami qui m'a un peu rassuré en me disant qu'après avoir changé le joint, il était presque normal que je doive resserrer les culasses après quelques heures d'utilisation. Dans la foulée, j'ai trouvé un mécanicien ici à Matariz, qui m'a fait la gentillesse de venir à bord (oui, un dimanche et gratuitement en plus !), pour resserrer ce qu'il y avait à resserrer... Mais hélas, ça fuit toujours un peu. Il me reste encore la solution d'aller faire un tour en mer pour faire chauffer le moteur et dilater le joint, ou encore d'utiliser une colle pour colmater la fuite. Et si rien ne marche, il va falloir que je fasse refabriquer un autre joint. Bref, j'ai du boulot. Ça peut prendre un peu de temps, mais je suis certain d'en venir à bout. Il le faut.
Ce que c'est que la motivation tout de même...

Voilà, vous savez tout. Ce lundi je vais prendre le bateau-bus pour Angra, et tenter de trouver un réparateur informatique et de la colle pour mon joint. Cela ne devrait pas être trop compliqué, je pense... J'en profiterai également pour publier cet article, et tenter une nouvelle fois d'appeler mon père.

Et puis ensuite on attendra la bonne fenêtre météo pour continuer notre route vers le Sud. Vers Buenos Aires. Vers Zoé...

Scène de vie à Angra
Le jacqua, fruit du Jacquier
Le Cidade de Sao Paulo. Un monstre...

jeudi 15 novembre 2012

Angra, réflexions et photos

23°06.852S 44°15.474W
Matariz, Ilha Grande

Je vous l’ai dit, Ilha Grande est une île dans le sens où certains iliens bretons du XIXème siècle pouvaient l’entendre. Un lieu de vie non-pas isolé, mais séparé du monde. En retrait.
On y trouve une école primaire, un dispensaire du ministère de la santé qui ouvre quelques matinées par semaines, un petit mercadinho (un épicier si vous préférez), trois lieux de cultes, et puis c’est tout. Pas de collège, pas d’administrations, pas de services sociaux, pas de police (là ça m’arrange plutôt), rien de ces structures qui caractérisent la vie moderne et qui sont cependant nécessaires au brésilien moyen.
Aussi, trois fois par semaine les habitants du village de Matariz peuvent se rendre à Angra qui se trouve sur le continent, à une heure et quart de bateau.  Dès sept heure du matin, une trentaine de personnes s’entassent sur le Ighor Mar, et vont ainsi se ravitailler, courir les administrations, ou encore se rendre au bureau de la loterie.

A ce propos, et là les bigots vont encore déplorer que mon athéisme militant ose critiquer leurs superstitions, j’ai remarqué en Espagne déjà, que la foi religieuse et la loterie faisaient souvent bon ménage. Comme si non content de croire dans le salut de leurs âmes, les croyants pensaient aussi que les lois de Dieu pouvaient rivaliser avec celles, bien réelles celles-là, des probabilités... 

En plus elle était froide...
Puisque j’y suis, autant rester dans le registre anticlérical. J’ai assisté dimanche dernier à un rassemblement adventiste. Quand je dis assisté, disons plutôt que je n’ai pas pu l’éviter puisque une foule de gens ont débarqué pour deux jours de célébration (de qui de quoi, je ne sais pas), avec discours, chants, et baptême collectif. Ce qui m’a le plus marqué, en dehors des baptêmes d’adultes, c’est que le dimanche matin les portes de la petite chapelle catholique, qui doit bien avoir deux ou trois cents ans et qui jouxtait le préau où se déroulaient les offices, sont restée fermées. Les marches de son parvis servant de bancs à piquenique pour les fidèles de la secte à la mode. Je me suis alors dit que le Pape avait bien raison de débarquer au Brésil l’année prochaine, car il était en train de perdre des parts de marché importantes au profit de la concurrence !

L'Ighor Mar
Bon, je ferme là la parenthèse et je reviens sur mon sujet de départ. Le Ighor Mar fait office de navette, mais les gens d’ici l’appellent tout simplement l’omnibus. Et en fait, c’est bien ce que c’est, sauf que ça flotte.
J’ai déjà pris l’omnibus par deux fois déjà, et j‘y retourne demain. A 10 Réals l’aller-retour, le prix reste extrêmement raisonnable pour s’extirper de ce havre de tranquillité, afin de se plonger dans la douce turbulence de la ville. Ce qu’il y a de bien à Angra, c’est qu’on peut y trouver de tout dans un périmètre assez restreint, et ça franchement au Brésil c’est rare. Comme de la litière et des croquettes pour Touline par exemple. Ou alors des fusibles, du gasoil, une guitare, un appareil photo… Et puis il y a, Ô indicible joie, un point internet et des cabines téléphoniques. Je vais d’ailleurs en profiter pour appeler mon père qui fêtera ses 81 ans ce weekend. De même j’espère bien que je pourrais être joint par l’émission Allo La Planète, car notre rendez-vous manqué de mercredi dernier m’est resté sur l’estomac. Al Lala… Vivement une bonne marina !

Sur le port d'Angra ce sont les aigrettes qui font la loi !
Sinon quoi vous dire ? Angra est une ville, ou du moins ce que j’en ai vu c’est-à-dire le quartier du port, assez sympa où le style colonial est encore assez présent. Cela lui donne un charme que je n’avais jusqu’alors pas rencontré au Brésil. Cela dit, je n’ai pas vraiment le temps de faire du tourisme car l’Ighor Mar repartant à 14H00, nous n’avons que six heures devant nous pour tout faire, sans oublier de s’arrêter dans un resto au kilo pour se restaurer.

Le coup de Sud qui nous empêchait de continuer notre route, je dis nous car Caroline et Hughes du Loïck m’ont rejoins samedi dernier, est en train de se terminer, et bientôt le Nordet reprendra ses droits. Il est donc temps de repartir… Après demain probablement.
Nous serions bien resté quelques jours de plus, mais que voulez-vous, le Brésil ne voulant pas de nous…A ce propos, j’ai appris que l’histoire des visas de 90 jours non-renouvelables qui frappait la France, l’Espagne et l’Italie, venait d’être étendue à l’ensemble de la Communauté Européenne. C’est donc tout un continent de voileux qui évitera dorénavant le Brésil… A deux ans de la coupe du monde de foot, et quatre ans des JO d’été, c’est là une belle connerie.

Ravaudage des filets
Donc départ samedi dans la journée… Tandis que Loïck tentera de rejoindre l’Uruguay en une seule étape, j’ai pour ma part décidé de faire les presque mille milles qui me restent avant de quitter le Brésil, en trois fois. La première escale se fera logiquement dans une petite baie au Sud de Santa Catarina qui s’appelle l’anseada de Pinheira. J’ai fais ce choix car franchement je n’ai, à l’heure actuelle, plus trop envie de me lancer dans de longues navigations… Trois ou quatre jours en mer, suivis de quelques jours de repos, cela me convient très bien. Ce qui fait que selon mes prévisions, je devrais tout de même sortir du Brésil d’ici… Allez, on va dire un tout petit mois.
L’essentiel étant d’arriver à Buenos Aires avant Noël. Pour quoi avant Noël ? Pour rien, comme ça. Enfin si, il y a une raison, mais je vous en parlerai plus tard. Ou pas.

Voilà chers lecteurs. Je vais vous laisser sur ces quelques photos glanées durant mon séjour à Matariz. Une escale que je recommande, et que je referais sûrement lors de ma remontée du continent, l’année prochaine. A té logo !
Angra droit devant
On papote...
Grande toilette
Ardea Alba
En pleine forêt
Naïades
En portugais l'oiseau mouche se dit beijaflore...
L'attribut du plaisancier mâle... Une troisième couille !
Matariz sous les nuées

mardi 13 novembre 2012

Un monde pas si rouge et surtout moins vert

23°06.852S 44°15.474W
Matariz, Ilha Grande

Oui, Ilha Grande est une île préservée. Enfin, soyons clair si Ilha Grande baigne dans son jus pour mon plus grand plaisir et celui de tous ses visiteurs, ce n’est pas par une quelconque volonté gouvernementale de protection de l’environnement ou par un désir des habitants de se protéger comme en Corse. C’est tout simplement parce que ça coutait cher et que le Brésil est tellement grand qu’il était à la fois bien plus facile et plus lucratif d’investir ailleurs…

L’île eut ses heures de gloire, de façon cyclique comme des poussées de fièvre. Il y eut en premier lieu la canne à sucre, puis la banane, le café, la pêche pour laquelle on fit venir une importante immigration japonaise… Et enfin, ces dernières années c’est développé une autre forme de production en parallèle avec l’essor économique du pays : L’élevage du touriste.

Les infrastructures étant restées, comme je l’ai dis, relativement peu développées, la mise de fond pour ce genre d’élevage est quand même assez importante, mais permet néanmoins grâce à une croissance certes en berne mais tout de même de 2,7 %, un retour sur investissement somme toute appréciable. Bien évidemment la classe moyenne étant pratiquement inexistante au Brésil, vous ne vous adressez qu’à une clientèle de nouveaux riches pétés de thunes qui ne rechignera pas lorsque vous leur présenterez la note. Et pour finir, fin du fin en matière de marketing, vous pouvez même utiliser vos manquements comme un argument de vente auprès de la clientèle citadine blasée, avide de vie au grand air et d’authenticité…

Mais bon, j’arrête là car on va encore dire que je ne suis qu’un infâme gauchiste aigri qui ne sait faire que critiquer et dénigrer les efforts d’honnêtes entrepreneurs qui osent prendre des risques, etc.
Le fait est que je me dois tout de même de casser le mirage brésilien. Aux yeux des français, ce pays « émergeant » au développement fantastique et qui en plus est gouverné avec succès par un gouvernement de gauche, voilà qui a de quoi en faire rêver plus d’un du côté de la rue de Solferino. Mais tout ça c’est de la poudre aux yeux, au mieux un malentendu. Nous sommes sur le continent américain et les modèles sociaux-économiques sont plus proches de Washington que de Paris. La gauche de Lula, et maintenant celle de Dilma, ressemble beaucoup plus aux démocrates américains qu’au Front de Gauche quoi qu‘on puisse en dire dans les salons parisiens. Autant dire qu’ici règne le néolibéralisme le plus impitoyable, avec son cortège d’inégalités et de corruption. C’est bien simple, Sarkozy était un bisounours à côté de Dilma Roussef.

Pour preuve de ma subjectivité, je vous conseille d’aller jeter un œil là-dessus ou encore ICI. Vous y verrez que les indiens Guaranis, l’ethnie indigène la plus représentée au Brésil, n’ont que faire d’un gouvernement de gauche à Brasilia. Car hélas pour eux, rien n’a changer depuis le le XVI ème siecle…

Mais bon, au départ j’étais parti pour vous raconter la balade à Angra que nous avons fait Caroline, Hughes et moi, et voilà que je digresse. Pardonnez-moi. Ce doit être le temps qui me rend comme ça, hargneux. Un énième coup de sud nous a apporté la pluie, et depuis hier tout est gris.
Tant pis, je vous raconterai ça une autre fois. Lorsque le soleil sera revenu.

vendredi 9 novembre 2012

Matariz

23°06.852S 44°15.474W
Matariz, Ilha Grande

Seule au monde...
Deux heures après avoir planté ma pioche devant la Praia do Bananal, j’étais à terre pour explorer les environs, et surtout m’enquérir d’une éventuelle connexion Internet. Je fus déçu sur tous les points.
Certes l’aspect général de l’endroit semblait de loin intéressant, mais il y régnait une ambiance assez bizarre. Comment vous dire ? La plupart des jolies maisons que j’avais vu en arrivant étaient en fait des pousadas, des hôtels, désertes ou fermées en cette saison, et les quelques personnes que j’ai croisé m’ont plutôt regardé comme un intrus. Et lorsque j’ai appris qu’il n’y avait pas de wifi dans le coin, il ne m’en a pas fallut plus pour que je me mette à détester cet endroit.
Je suis donc rentré vite fait sur mon bateau, assez déçu. A tel point que j’ai évité de trop m’étaler, pensant repartir assez vite.

Respect...
Le lendemain, le mardi, j’ai pris mon sac et mon appareil photo, et j’ai entrepris de rejoindre à pied l’anse de Matariz, histoire de voir si je n’y serai pas plus heureux. Comme je vous l’ai dit, Ilha Grande est une île sans route. Tous les déplacements se font avec des petits bateaux-taxis, genre barques de pêche reconverties, et les villages et hameaux ne sont reliés entre eux que par des sentiers pédestres à peine balisés.
Je me suis donc enfoncé dans ce qu’il faut bien appeler, la jungle. Il faisait chaud et humide sous un ciel gris, le sentier qui reliait les deux hameaux à travers la forêt était encore glissant des pluies de la nuit. Je crois que ce qui m’a le plus impressionné, c’est le bruit. J’avais l’impression d’entendre la bande son du film La Forêt d’Emeraude, avec ce concert ininterrompu de cris d’oiseaux invisibles et d’insectes tapageurs. Ca stridulait, ça piaillait, ça sifflait, le tout étant en parfaite adéquation avec ce que mes yeux voyaient : Des écheveaux d’épiphytes qui dégringolaient des branches, des troncs fantastiques, des feuillages aux formes inimaginables… Et ce vert ! Ces verts devrais-je dire. Toute la palette des verts était présente.
Au détour d’un sentier j’ai entraperçu ce qui ressemblait à un gros cochon d’Inde brun foncé. Plus loin, j’ai vu le cadavre d’un tatou. De temps en temps, de gros animaux inconnus s’enfuyaient dans un grands fracas de branches malmenées… J’étais aux anges. Tout mon être respirait le bonheur d’être là, malgré la fatigue, le mal à la cheville et le souffle court à cause des clopes…
J’avais l’impression de revenir aux sources, de plonger de nouveau dans ce qui, tout compte fait, reste mon élément : La forêt. Tout en marchand, je pensais à ces gens qui la craignent, j’en connais, et je me disais que, quoi qu’il puisse arriver, jamais au grand jamais je n’aurais peur des bois. Quelque soient leurs profondeurs ou leurs impénétrabilités, je m’y sens chez moi. Bien plus que sur l’océan.

Praia Matariz
Et puis, après une dernière descente le long d’un sentier abrupt et passé un petit pont vermoulu, je suis arrivé à Matariz. Là, j’ai été conquis. Pour de vrai, je suis tombé sous le charme de ce village, avec ses maisons toutes simples entourées de clôtures pour ne pas laisser les poules s’égayer dans la nature. Ses gens qui vous disent bonjour quand ils vous croisent. Son petit mercadinho où on peut acheter à manger… Et puis j’ai rencontré un type qui m’a dit qu’il connaissait quelqu’un qui avait internet, mais qu’il ne serait là que demain.
Bref, le site idéal. Bien mieux que la crique d’à côté.

A votre avis, que croyez-vous que j’ai fait ? Hein ? Exactement ! Je suis rentré, j’ai déjeuné et fait une sieste, et j’ai déménagé !

Ô joie du nomadisme, qui malgré les servitudes vous permet en quelques heures de changer de voisinage au gré de vos humeurs… Un endroit ne vous plait pas ou ne vous convient plus ? C’est bien simple, vous vous tirez. La flexibilité libérale au service de la glandouille. Vous en aviez rêvé, je l’ai fait !

Ceci est une rue.
Blague à part, j’ai tout gagné au change. Matariz est un village de 300 âmes, mais dont l’habitat est extrêmement dispersé dans la végétation. Ce qui fait que lorsque vous l’abordez, et même lorsque vous en parcourez les premières rues, vous n’avez absolument aucune idée que tant de personnes vivent ici. Pourtant, si l’on regarde bien, tout concourt à vous le suggérer… Il y a un dispensaire, plusieurs buvettes, un mercadinho, un terrain de foot, une école primaire, deux ou trois lieux de culte…
L’activité principale du village, c’est le tourisme. Et pourtant, rien de ce qui rend cette activité parfois pesante, voir horripilante, n’est présent ici. Point de vendeurs de colifichets, paréos, maillots et autres havaianas. Point de ces haut-parleurs tonitruants vomissant de la musique formatée. Point de tout ça, mais juste l’essentiel. Un petit village en harmonie avec son environnement et où, en apparence du moins, il fait bon vivre.

Pousada Recanto dos Lima
J’ai appris que la haute saison ne commencera qu’en décembre et durera jusqu’en mars, mais tout au long de l’année la seule pousada du village, la Pousada Recanto dos Lima (celle où ils ont eu la gentillesse de me laisser utiliser leur clef 3G. Obrigado Diego !), organise des séminaires de plongée pendant les weekends. J’imagine donc que cette tranquillité va se trouver bousculée à partir de samedi.

Voilà pour mon arrivée et mon installation à Matariz. Mais je voulais aussi vous raconter quelque chose. Un matin, c’était hier ou avant-hier, je ne sais plus, alors que je bricolais le hors-bord de Miss B, j’ai eu la surprise de voir Touline sauter dans l’annexe pour venir fourrer son nez là où il n’a rien à y faire, comme d’hab. Et je me suis alors dit qu’il était peut-être temps de tenter une expérience.
J’ai détaché l’amarre, et nous voilà parti à la dérive. Miaou ? Fut son seul commentaire, mais je sentais tout de même que la demoiselle n’était pas tranquille… Nous avons fait ainsi le tour de la Boiteuse, à la rame, et puis nous sommes revenus à notre point de départ.

Miaou ?
L’après midi, alors que je me préparais pour descendre à terre, je vois que Touline est de nouveau prête à tenter l’expérience. Je l’attrape, je démarre le moteur, et nous nous dirigeons vers la plage. La Touline faisait moins la fière. Elle s’est tenue un moment à la proue de l’annexe, mais assez vite elle est venue se pelotonner sur mes genoux.
A peine avais-je tiré l’annexe au sec, que la chatte bondissait et traversait la plage à fond de train, avant que de s’arrêter au pied d’un arbre. Quelques coups de griffes, histoire de vérifier que ce machin en bois est bien ce qu’elle croit qu’il est, et hop ! La voilà qui grimpe et prend de la hauteur pour examiner son nouveau territoire ! Nous sommes restés environ une heure ainsi. Touline grimpant sur tout ce qui possédait un tronc, et moi la surveillant du coin de l’œil.

Je ne bouge plus !
Pour le retour, ça a été un peu plus compliqué, parce que la Miss se voyait bien passer le reste de la journée perchée sur SES arbres (que je baptise d’ailleurs Touliniers à partir de ce jour. Y’a pas de raison !). J’ai dû faire des pieds et des mains pour la récupérer, et même faire preuve de coercition devrais-je dire, car c’est par la peau du cou que j’ai finalement dû la réembarquer.
L’annexe n’était même pas encore à couple de la Boiteuse, que déjà la chatte bondissait pour rejoindre ces pénates, sous les acclamations de quelques marineiros ébahis. C’est sûr qu’ils ne doivent pas voir ça tous les jours par ici…

Voilà, chers lecteurs, ce qu’il en est des ces premiers jours passés dans ce qu’il convient d’appeler un petit paradis. Si ce n’était les lois brésiliennes sur l’immigration, la solitude et le manque de moyens de communication, je crois bien que je serais partant pour y passer un long moment ! Mais bon, le monde étant ce qu’il est…
D’ici le début de la semaine, le Loïck m’aura rejoint et nous verrons alors ce que nous déciderons. 



HEU-REUX !
Un Quero-Quero
Un Urubu
Une Touline sur un Toulinier
Le paradis ?

mercredi 7 novembre 2012

De Cabo Frio à Matariz

23°06.852S 44°15.474W
Matariz, Ilha Grande

Le dimanche 04 novembre 2012 -

Depuis hier au soir je m’affaire à préparer ma Boiteuse pour cette petite navigation de 134 milles (sur le papier) qui me mènera jusqu’à ma prochaine escale, Ilha Grande. Oh, pas grand-chose à faire en fait, puisque mon bateau n’a probablement jamais été aussi peu en désordre… M’enfin, dégonfler et plier l’annexe, remiser son moteur, préparer les voiles, ranger la nasse, tout ça c’est quand même du boulot.

06H00 : A l’heure pile, je m’octroie une petite frayeur : Les batteries sont vides et le moteur refuse de démarrer. Tout ça parce qu’il a fait gris la veille et que j’ai voulu écouter Mermet en podcast… Grrr !!! Je hais les mouillages !
Pendant un triste moment j’entrevois de rester en rade le temps que les panneaux solaires fassent leur boulot. Et comme il pleut, vous imaginez bien que j’allais devoir attendre longtemps. J’envisage même de regonfler Miss B et de redescendre à terre pour acheter une batterie neuve… Jusqu’à ce que l’idée me vienne de mettre mes batteries en parallèle pour voir si je ne pouvais pas grappiller quelques ampères ici ou là. Bingo ! Mercedes démarre au quart de tour. Ouf !

06H40 : Je lève l’ancre. Malgré le détour que cela m’impose, j’ai décidé de ne pas me risquer dans l’étroite passe qui fait l’attraction de Cabo Frio. Les fonds y sont hasardeux et je préfère encore faire le tour de l’île plutôt que de prendre ce risque.
Je croise quelques barques qui reviennent de la pêche. Des nuages bas s’accrochent aux falaises de l’île. C’est magnifique. Ca me rappelle un peu la première fois que j’ai approché le cap près de Toulon. C’était il y a deux ans. Autant dire une éternité.

Des orques !
07H40 : Soudain, alors que j’admirais le paysage, une nageoire caudale à la forme bizarre attire mon attention juste au pied de la falaise. Je sais que j’ai déjà vu ce genre de nageoire quelque part… Puis j’en vois une deuxième, puis une troisième, et bientôt c’est toute une petite troupe de ces nageoires noires qui sortent de l’eau par intermittence, accompagnées par quelques souffles puissants. L’un de ces cétacés roule sur le dos alors qu’il émergeait et je distingue alors parfaitement son ventre blanc comme la neige… Putain ! Des orques !
Je bondis alors sur mon appareil photo et, à fond de zoom, je tente d’immortaliser cette superbe rencontre. Hélas, je ne parviens qu’à faire un cliché flou… Mais tant pis, je vous le montre quand même.

08H00 : Je double le phare de Cabo Frio. Maintenant c’est tout droit au 270°. Plein Ouest. Le vent est mou de chez mou, je décide donc de rester au moteur. De toute façon les batteries en ont besoin.

Le phare de Cabo Frio
10H25 : Toujours au moteur, le vent n’est toujours pas levé. Il fait gris et humide. De temps en  temps, j’arrive encore à apercevoir la côte à travers la brume.

12H25 : Bon, six heures de moteur, ça suffit bien comme ça. Le vent est encore très faiblard (on avance à trois nœuds) et en plus il souffle pile à 180° du bateau… Et le vent arrière avec un régulateur, c’est pas le pied. Logiquement je devrais arriver demain dans l’après midi, mais si le vent persiste à ne pas monter à 10 nœuds comme il était prévu qu’il le fasse, je suis bon pour une arrivée de nuit… Pour l’instant le foc bat désespérément. Ce n’est pas bon signe.

15H00 : J’ai somnolé un peu. Pas trop car le coin n’est pas désert. Il y a quelques bateaux de pêche et pas mal de pétroliers qui font route vers Rio.
Il fait toujours gris, mais j’arrive tout de même à sentir la chaleur du soleil à travers la couche nuageuse. Ca fait du bien… Le vent a augmenté d’un poil : 3,5 nœuds de moyenne depuis midi. Je ne me plains pas.
Pour l’instant ce qui m’arrangerait c’est qu’il tourne de 5 ou 10° vers le Sud-Est. Ouais, ça me plairait bien ça… Ca permettrait à mon foc d’éviter de se déventer lorsqu’il se trouve masquer par la GV (Vous comprenez ou il faut que je vous fasse un dessin ?).

J'ai fait un effort, j'ai souri !
J’ai eu le temps de réfléchir à ma situation pendant ces quatre jours passés à Cabo Frio… En fait, le mouillage n’est pas aussi insupportable que je ne le craignais, du moment que ça ne dure pas. Outre le fait qu’il faut rester vigilant sur tout, et l’électricité en est un parfait exemple, mais aussi Touline qui devient de plus en plus hystérique et incontrôlable (elle n’a pas mis les pattes à terre depuis un mois maintenant, qu’il faut constamment faire attention à ce que l’ancre ne dérape pas, qu’il faut préparer chaque descente à terre comme si c’était une expédition, etc, je crois quand même que ce qui est le plus dur à gérer est l’ennui et la solitude.
Mais sinon, à part tout ça (et ça fait beaucoup), je reconnais que c’est moins pire que ce que je craignais. C’est juste très chiant, voilà.

17H05 : Ca-y-est, j’ai un vent convenable qui nous emmène à plus de 4,5 nœuds.
De tous les oiseaux de mer, je crois que c’est encore la Frégate que je trouve le plus beau et le plus gracieux. Je viens d’en voir une passer au dessus de la Boiteuse ; Toute en ailes fines et longues… La Frégate est vraiment faite pour voler, mais en plus elle le fait avec beauté et grâce.

18H00 : Point du soir, bonsoir. Tout roule comme prévu, si je puis dire. Le cap pourrait être amélioré, mais pour ça il faudrait que j’abatte la GV. Et si je fais ça, je vais perdre en vitesse et la Boiteuse va rouler encore plus… Donc on continue comme ça, et s’il le faut j’empannerais pendant la nuit.
Dans 20 milles, je vais passer à la verticale de Rio de Janeiro. Je ne sais pas vous, mais il y a comme ça des noms de lieux qui paraissent magiques lorsqu’on les prononce. Je me le suis répété plusieurs fois dans ma tête, puis à haute voix : Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, je suis devant Rio de Janeiro… Merde, c’est quand même pas rien !
Promis, lorsque je repasserai par ici l’année prochaine, je m’y arrête.

J’ai fini de lire le tome un des Mystères de Paris d’Eugène Sue. Manque de bol, je n’ai pas le tome deux.

19H00 : J’allume les feux et je dîne d’une boite de feijoada. J’ai une fuit d’eau en provenance de l’arrière du bateau… Pas de quoi paniquer, mais quand même assez conséquente car je dois pomper au moins toutes les trois heures. Je ne vois absolument pas d’où ça peut bien venir… Enfin si, j’ai bien une idée mais il faudra que j’attende d’être arrivé pour la vérifier.

Le lundi 05 novembre 2012 -

Plein vent arrière
06H30 : La nuit a été compliquée… Entre les pêcheurs, les plateformes, les pétroliers et cette fuite qui m’a tarabusté, on ne peut pas dire que j’ai bien dormi. En plus le vent est tombé tout en virant au Nord, et un courant s’est mêlé à la partie pour nous écarter de notre route. Je viens d’allumer le moteur pour tenter de rattraper le temps perdu. Ilha Grande se trouve à 40 milles au Nord-Ouest.
Une jolie image de cette nuit restera cependant graver dans ma tête. Celle du fantastique halo lumineux de Rio. Tellement puissant que les collines et les montagnes de la ville se découpaient comme de parfaites ombres chinoises. Magnifique.

Cette nuit, avec la ligne de traine j’ai attrapé un de ces Pas-beau-tout-moche, comme ceux que j’avais déjà vu entre les Canaries et le Cap-Vert. Il était encore vivant, et je l’ai relâché. Au grand désespoir de Touline.

07H55 : Vous savez que je reçois plein de gentils compliments pour mon portugais ? Non, je ne dis pas ça pour me vanter (quoique, si quand même un peu), mais en un peu plus de trois mois je me suis bien amélioré. A tel point que les gens sont tout étonnés lorsque je leur apprends que je suis français. Ils me croient argentin ou encore « Gaucho », c’est-à-dire un de ces gens qui habitent près de la frontière avec le Paraguay !
Il est vrai que j’arrive maintenant à avoir des conversations poussées avec à peu près tout le monde. Je dis «  à peu près » car je me suis aperçu que cela dépendait surtout du niveau d’éducation de la personne que j’ai en face de moi. Le portugais est en effet, en tous cas au Brésil, une langue à deux niveaux extrêmement marqués. Il y a le populaire et le… Sophistiqué dirons-nous. Au niveau de la grammaire et du vocabulaire, on a parfois l’impression que ce sont deux langues différentes ! Personnellement, je comprends mieux le portugais sophistiqué (j’aime pas ce mot, mais je n’en vois pas d’autre), mais c’est sans doute aussi dû à un accent moins marqué et aussi au fait que les gens « éduqués » ont conscience de l’effort que cela représente de parler une langue étrangère, et prennent bien soin d’articuler en parlant plus lentement, et d’utiliser des tournures de phrase simples.

08H30 : A priori, je devrais arriver vers 16H30 à Matariz. Plus tôt qi le vent veut bien me donner un coup de main. Le ciel est toujours nuageux, et je n’aperçois pas encore la terre.

09H15 : Terre en vue. Je distingue des montagnes à travers la brume du matin…
En arrivant, il va falloir que je me préoccupe du ravitaillement en gasoil, car toutes ces heures de moteur ont sérieusement entamé mon capital. Je ne sais pas encore comment je vais me débrouiller, mais cela risque d’être folklorique de se balader avec mes deux bidons de vingt litres jusqu’à une station service !

Ilha do Meio
10H00 : Hihihi… Je me marre. Je viens de relire le guide nautique et figurez-vous qu’Ilha Grande est une île sans route et sans voiture. Et qui dit pas de voiture, dit forcément pas de station-service… Mais bon, tous les déplacements se faisant en bateau, j’imagine que je vais bien trouver quelques litres de gasoil quelque part… Est-ce qu’au moins ils ont internet ?

11H20 : Une dizaine de pétroliers sont ancrés devant l’île. Il fait maintenant un cagnard d’enfer. J’installe ma petite couverture pour me protéger.

12H00 : Allez, dans quatre heures et demie, nous y sommes. J’ai trouvé un livre que je n’avais pas encore lu. Une page d’amour de Zola.

14H40 : Je passe devant Saco de Ceu, la crique où nous avions initialement prévu de nous arrêter le Loïck et moi. Hélas, Hughes a appris qu’un bateau de notre connaissance (des teutons rencontrés à Jacaré), c’était fait contrôler par la Marinha do Brasil il y a trois semaines… Donc, et sur les conseils de Ricardo, nous avons décidé de nous planquer dans un endroit plus discret : Près du village de Matariz, au lieu-dit Saco de Bananal.

La côte est splendide. Les nuages s’accrochent aux sommets des montagnes couvertes d’une forêt dense, d’un vert profond. Quelques maisons sont nichées ça et là au creux des anses. L’eau est comme un miroir, seulement ridé par le passage de quelques barques… Sur ma droite, j’aperçois une plateforme pétrolière plantée au milieu de la baie.

Je double la Punta do Bananal (normal), me voilà presque arrivé. Tout au fond à droite je vois Matariz, mais de loin son aspect me semble moins engageant que les petites maisons de la praia d’à côté. Qu’à cela ne tienne, je décide de me diriger vers l’endroit le plus joli… Je sais bien que ce n’est pas ce qui était prévu, mais bon : Rien ne m’empêche de passer quelques jours de ce côté-ci de la pointe, le temps que Caroline et Hughes arrivent. Quitte à déménager plus tard.

16H30 : Je largue la pioche. Pile à l’heure prévue. Je suis trop fort.

Une demi-heure plus tard, j’arrêtais le moteur après m’être assuré que l’ancre tenait bien. Ouf ! Quel silence ! Enfin non, pas vraiment. J’entends le bruit des vagues qui se brisent doucement sur la plage. Les cris de quelques enfants qui jouent dans l’eau. Des oiseaux chantent… C’est bucolique à souhait.
Et c’est pendant que je rangeais un peu que je l’ai entendu. Un Houuuuuu… qui raisonna longtemps contre les parois abruptes des montagnes. Le singe hurleur me souhaitait la bienvenue.

Saco do Bananal