lundi 25 février 2013

De Montevideo à Colonia


34°28.130S 57°51.216W
Colonia del Sacramento, Uruguay

Mosaïque du Rio de la Plata, d'après une carte française
Salut les gens ! Avant que d'attaquer le récit de cette traversée, je voulais tout d'abord m'excuser pour 
vous avoir un peu laisser tomber ces derniers temps. Je sais bien que vous allez me dire le contraire, que vous comprenez, et cetera, mais vous conviendrez avec moi que quatre publications en janvier et sûrement moins pour le mois en cours, c'est  très peu. Ou du moins, que je vous avais habitué à plus de prolixité. Mon souci est que même si vous vous en foutez, moi je le vis assez mal.
Là encore, vous allez me dire que je ne devrais pas, patati-patata... Mais bon, c'est comme ça, ça me prend la tête de ne plus trouver ni le temps, ni l'inspiration pour vous parler. J'ai l'impression de manquer à mon devoir, de vous trahir en quelque sorte. Pire, ça me manque. J'aime trop ça, jouer avec les mots. Et je me refuse à croire que l'écriture est une activité de solitaire...
Il va donc falloir que je trouve un moyen de faire correspondre ma nouvelle vie avec cette liaison que nous entretenons vous et moi depuis bientôt trois ans... Je ne sais absolument pas comment je vais faire, mais je me rends compte que ça urge.

Bon, foin d’atermoiements, voici donc le récit tiré de mes notes, de notre traversée entre Montevideo et Colonia.


 Le mardi 19 février 2013

Bye Bye Montevideo
10H35: Tout doucement, la Boiteuse décolle en marche arrière du ponton du Yacht Club Uruguayo (prononcer Yaté Cloub Ourougouacho). Le temps est gris, limite frisquet, mais c'est le prix à payer pour avoir suffisamment d'eau dans le port pour en sortir. En effet, c'est un des paradoxes qui régissent la navigation dans le Rio de la Plata, les marées n'ont que peu d'importance et ne dépassent que rarement les cinquante centimètres. Ce qui, dans la plupart des marina, est tout juste suffisant pour manœuvrer (voir article précédent). C'est donc le vent qui mène la danse. En faisant court : Pour avoir de l'eau il faut avoir un vent du sud, ce qui implique forcément un vent fort et froid venu de l’Antarctique qui peut vous drosser à la côté en deux coups de cuillères à pot.

Donc, disais-je, il fait moche ce mardi matin, mais la Boiteuse prend quand même la mer pour une nave d'une centaine de milles à destination de Colonia del Sacramento, ultime étape de notre périple en Uruguay. On dit que cette ancienne colonie portugaise est charmante et baigne encore dans son jus. Tant mieux, cela va nous changer de la grande métropole de Montevideo, qui pour ma part commencait à me sortir  par les yeux. Je l'ai déjà écrit il me semble, à l'exception de Barcelone les grandes villes m’insupportent.
En attendant, il pleut...

12H30 : Ça y est, le moteur est à présent coupé et nous progressons à 3,5 nœuds, plein ouest. J'ai décidé de naviguer sous génois seul, car nous aurons logiquement du vent arrière tout du long. Ça roule un peu, mais au moins je peux faire un cap correct... La mer est dégueulasse, d'une turbidité moche, et le ciel lui ressemble. Heureusement le moral est bon, car c'est l'heure de la bouffe ! 
Au menu, un espèce de quiche lorraine façon uruguayenne (avec de la panceta), et une Torta Pascualine, autre spécialité locale (une tourte avec des épinards et des œufs durs). 
Mais avant ça, il me faut passer un petit coup de VHF pour demander l'autorisation de traverser le chenal d'entrée au port commerciale de Montevideo. C'est qu'ils ne rigolent pas avec ça les Ourougouachos !

Mon équipage en pleine action !
15H10 : Chacun notre tour nous faisons un petit sieston, bien au chaud à l'intérieur, pendant que l'autre gère la veille et la conduite du bateau. La tâche n'est pas trop difficile, car même si ça reste une mer de merde, il y a quand même un gros avantage à naviguer sur le Rio de la Plata, c'est qu'on n'y croise pas grand monde. Les bateaux des pêcheurs uruguayens ne sont que de simples barques et ne sortent que le jour, et les cargos et autres tankers préfèrent naviguer dans des rails strictement balisés. On est un peu comme des petits lapins qui, tant qu'ils ne vont pas sur la route, peuvent à peu près faire ce qu'ils veulent. 

18H00 : Il pleut toujours, et le vent nous pousse au grand largue par tribord à parfois plus de six nœuds. J'ai réduis le génois de moitié car ça commence à devenir merdique. Le bon côté de la chose, c'est qu'à cette vitesse on arrivera plus vite... Mais en attendant je me les pèle à l'extérieur pendant que Zoë bouquine à l’intérieur. Heureusement, dans une demi-heure, on change !

19H55 : Le cap et la vitesse sont bons. Très bons même. 4,5 nœuds au 300°, c'est super. Il commence sérieusement à cailler et la pluie qui tombe toujours par intermittence n'arrange pas les choses. En plus, il faut que je vous dise que depuis quelques jours je souffre de multiples rages de dent qui me font endurer le martyr. Comme ça le tableau est complet, et même si le coucher du soleil est plutôt sympa, la nuit s'annonce difficile.


Le mercredi 20 février 2013

03H30 : C'est mon quart. Après un mug de café, j'attaque ma veille de trois heures. Enfin, quand je dis veille, c'est un grand mot car je ne peux m'empêcher de piquer du nez pendant trente à quarante minutes comme lorsque je naviguais seul. Ce qui me fait culpabiliser car je sais que Zoë elle, ne dort pas pendant son quart. 
Grâce au halo que fait le feu arrière, je me rends compte que l'eau a changé de couleur et d'aspect. Plus limoneuse, et en même temps elle a l'air plus épais... En parlant de halo, celui de Buenos Aires à 40 milles, est maintenant bien visible. Il est gigantesque... Quand je pense que près de treize millions de gens habitent dans cette ville ! (Trois millions intra-muros, plus dix millions en comptant les banlieues).
Colonia est à 36 milles. Nous y seront à la mi journée.

06H40 : Le jour va se lever, et alors que je m’apprête à réveiller Zoë, je sens la quille qui rebondit sur le fond ! Putain ! Aussitôt je me précipite pour allumer l'ordinateur, et je constate alors que la carte nous indique que nous naviguons par 2,60 m de fond !
Je vois d'ici les pros se mettre à hurler : Quoi ? Vous êtes de malades de naviguer dans des eaux pareilles !!! C'est que voyez-vous, on ne peut pas trop faire autrement... En dehors des chenaux balisés, les petits lapins que nous sommes n'ont pas d'autre choix que de naviguer dans quatre mètres de flotte en moyenne. Et ça peut même descendre à 2,40 m ! Avec une houle de cinquante centimètres maxi (c'est ce que disent les guides), ça fait un peu juste je vous l'accorde, mais logiquement ça devrait passer. Sauf que là, ça passait visiblement pas !
Donc, j'empanne aussi sec pour me dégager de là. La manœuvre réveille Zoë, qui me tiendra alors compagnie, le temps pour nous de sortir de la zone des trois mètres et d'admirer par la même occasion le lever du soleil.

(Là, je sens que le béotien pointilleux va me faire remarquer que j’eus mieux fait de faire l'inverse : Changer de direction avant que de regarder la carte. Et bien non, monsieur le béotien pointilleux. Pour s'écarter d'un haut-fond, j'aime autant savoir dans quelle direction je dois aller. Et toc !)

07H30 : Re-empannage sur le bon bord. Colonia est droit devant au 290°, à 20 milles. C'est mon tour d'aller faire un somme... 

Cafe con Leche
09H30 : Le soleil est haut à présent, mais peine à réchauffer l'atmosphère tellement il y a de nuages. Comme nous l'avions deviné à la lueur des feux de navigation, l'eau est boueuse. On dirait du cafe con leche. On sent presque qu'elle est plus dense... Pourtant la Boiteuse file ses 4,5 nœuds au grand largue, avec un demi Génois. 
A la VHF j'entends le contrôle de Colonia qui annonce que le port de plaisance est dorénavant fermé pour cause de vent trop fort. C'est la règle en Uruguay :  Au dessus de vingt nœuds de vent, les autorités ferment les ports... Heureusement qu'il ne s'agit que des sorties et pas des entrées sinon nous aurions été dans le caca ! En même temps, je n'ai vraiment pas l'impression qu'il y ait autant de vent... Par précaution je préfère les contacter, et le gars au bout des ondes me répond qu'ils nous attendent pour la mi-journée. En fait j'aperçois déjà à 10 milles, la tour radio qui surplombe la ville. 

11H00 : Il est temps de commencer à ranger le bateau et à se préparer pour l'atterrissage. Même configuration qu'à Montevideo : Deux pointes à l'avant, deux pointes à l'arrière, et quatre défenses sur chaque côté. L'équipage commence à être rodé, et avec Zoë nos efforts s'harmonisent assez bien. Plus que cinq milles et des brouettes, La Boiteuse file à 7 nœuds dans des surfs d'enfer !

Zoë s'en sort bien !
12H15 : J’appelle la prefectura qui nous donne l'autorisation de pénétrer dans le port. Maintenant que je ne l'ai plus dans le dos, le vent est un peu fort à mon goût et je pressens que l'arrivée risque d'être Rock&Roll. J'essaye alors de contacter le lanchero sur un autre canal pour qu'il nous file un coup de main, mais la radio reste muette. A bout de solutions et n'osant pas me risquer à l'intérieur sans aide (la carte indique 1,60 m de fond), je décide alors de prendre une bouée en attendant. A peine avions-nous pris notre bouée que le lanchero se pointe et nous guide alors vers notre place.  Il est 12H45, et nous sommes arrivés.

Quelques minutes plus tard, une annexe se détache d'un ketch au mouillage, le Moana, et accoste La Boiteuse. Il s'agit de Jacques un lecteur assidu qui m'a contacté il y a quelques jours pour se présenter et nous dire qu'il nous attendait. Comment vous dire ? Ça fait tout bizarre de rencontrer quelqu'un qui vous connaît déjà par vos écrits... C'est déstabilisant en même temps que flatteur. On a l'impression d'être quelqu'un d'important et l’ego s'en trouve renforcé. Mais d'un autre coté, je me suis trouvé un peu con devant cette reconnaissance. A croire qu'il me reste encore du boulot en ce qui concerne mon estime personnelle... Cela dit, c'est aussi quelque chose d’extrêmement plaisant que de débarquer dans un lieu inconnu, et d'y trouver un visage amical. On se met à papoter sur nos projets respectifs, on échange des infos importantes devant un café (Il est où le supermarché ? C'est combien le prix de la place ? Comment sont les autorités par ici ? Et cetera...). Bref, ça fait partie des excellents côtés de la vie de vagabonds des mers.

¡ Bienvenido a Colonia !
Le soir nous sommes allés nous promener dans les rues de la vieille ville de Colonia, et effectivement on peut dire que c'est un petit bijou touristique. Le vieux quartier est admirablement restauré, et partout fleurissent des petits restaurants au charme désuet. Hélas, tout y est encore et toujours trop cher... C'est, je crois, le souvenir que j'emporterais de l'Uruguay : Un pays charmant avec une douceur de vivre indéniable, mais où le coup de la vie est équivalent à celui de l'Europe.
Cela raye donc l'Uruguay de ma liste, et il ne me reste plus qu'à poursuivre ma quête... Prochaine étape, l'Argentine !

Me voilà un vrai Uruguayen maintenant !

Même type, en moins glamour
Colonia, la Calle de los suspiros
Droit vers l'ouest (ou presque)
Quand je vous dis que ça ressemble au sud de la France !
Vue du port
Maté fashion ! 

lundi 11 février 2013

Montevideo


34°54.544S 56°07.780W
Montevideo, Uruguay

Comme vous l’avez pu lire à la fin de l’article précédent, le port de Piriápolis étant beaucoup trop cher pour ma bourse, nous ne nous y sommes arrêté que vingt-quatre heures. Finalement, et après réflexions, cette cherté aura eu au moins l’avantage de résoudre mon dilemme car j’hésitais depuis longtemps entre Piriápolis et Tigre, l’Uruguay et l’Argentine, pour sortir le bateau et procéder à différents travaux. Ce sera donc l’Argentine, et tant pis si ma coque commence à ressembler à un élevage conchylicole, elle attendra encore un peu.

Donc nous somme reparti sous les coups de 19H00... Ensuite, je crois bien me rappeler que nous avons de nouveau rencontré un orage dans la nuit, mais figurez-vous que je suis bien incapable de vous dire quand ! Etais-ce avant ou après mon quart ? Ai-je finalement décidé de décaler les quarts pour gérer ces vents tournants ? Grrrr... Voilà ce qui arrive lorsqu’on ne tient plus son journal ! On oubli tout !

Pratique d'avoir une plongeuse
professionnelle sous la main !
Ben oui, je n’ai rien écrit pendant ces vingt heures de nave, et ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais absolument rien. Je sais seulement que nous sommes arrivé à Montevideo vers 12H30 ce 1er février, et que nous sommes retrouvé tanqué dans la vase au beau milieu du chenal d’accès... Car le port de plaisance de Montevideo, pompeusement appelé Yacht Club Uruguayo, n’est en fait qu’une vasière accessible seulement lorsque le vent souffle du sud et le rempli d’eau. Sans ça, même avec 1,50 m de quille vous touchez.
Bref, tout ça pour dire que nous sommes resté trois heures à rôtir au soleil le temps que la marée monte, mais même haute, elle ne s’est pas révélée suffisante pour nous permettre de rejoindre le ponton qui nous tendait les bras à quelques mètres. Il a fallu que le lanchero de service nous tracte avec toute la puissance de son moteur.

Bref, nous y sommes quand même arrivé pour la plus grande joie de Touline (alias fuzz-ball), qui n’avait pas vraiment apprécié de devoir repartir aussi vite de Piriápolis. Nous avons arrimé et rangé La Boiteuse, et nous nous sommes couché assez tôt en prévision de la journée du lendemain qui s’annonçait assez chargée. Jugez plutôt : Je devais régulariser ma situation au regard de l’immigration, et nous devions nous lancer à l’assaut de cette ville d’un million trois cent milles habitants (la moitié de la population du pays !).

Montevideo
Le lendemain nous avons donc pris un bus à destination du centre ville, et là... Comment vous dire ? J’ai adoré ce que j’ai vu. Montevideo est une ville superbe, avec ses avenues bordées de platanes qui ne sont pas sans me rappeler le port d’attache de La Boiteuse, Nice. En fait cette ressemblance s’explique assez facilement si l’on considère que ce sont deux villes qui ont grandit assez vite à partir de la fin du 19ème siècle et pendant le début du 20ème, sous l’influence d’une immigration venue des quatre coins de l’Europe. Architecturalement parlant, on retrouve exactement les mêmes immeubles victoriens, mais aussi pas mal de bâtiments sortis tout droits de cette période bénie que furent les années trente. Les guides touristiques parlent volontiers de l’austère « architecture soviétique », mais pour ma part j’aime autant parler d’architecture « à la Gotham-city ».

Nous avons aimé flâner dans les rues de cette ville, le nez au vent, le regard constamment attiré par un détail ou par un autre... Dans l’après-midi, nous nous sommes arrêté sur une petite place ombragée pour y déguster un chivito, le sandwich local, et si ce n’était ce petit je ne sais quoi de sud-américain, je me serais vraiment cru être dans une ville comme Barcelone ou Madrid.

Syncrétisme oblige, les couleurs de Iemanja
sont celle de la Vierge Marie
Plus tard dans l’après-midi, nous nous sommes rendu compte que ce n’était évidemment pas le cas, puisque nous avons assisté à la fête de la déesse de la mer, Iemanjásur la playa Ramirez. Bon, je sais que vous savez que les bouffées délirantes des croyants ont le don de me mettre hors de moi, il n’est donc pas nécessaire que je m’appesantisse sur ce spectacle aussi haut en couleur que navrant. Je suis reparti de là en me disant que tout cela n’était finalement qu’un immense gâchis, et la vue d’une contre-manifestation « chrétienne », n’a fait que renforcer cette impression.
Si tout de même, un truc rigolo : Cet après-midi là, Iemanja n’était pas de bonne humeur et la mer était démontée, renvoyant systématiquement les embarcations contenant les offrandes dans la gueule des croyants !!

La marina avec vue sur le World Trade Center
Ceci étant, l’escale à Montevideo ne devrait pas tarder à toucher à sa fin. Le temps file, et nous devons reprendre notre route vers l’est et la ville de Colonia del Sacramento, avant de virer vers le sud et Buenos Aires. En plus, à 28 euros par jour, le « port » de Montevideo, commence à me couter un peu cher... Bref, même si Zoë me tanne pour que nous visitions des musées et que nous passions la soirée dans un cabaret où l’on danse le tango (du moment qu’il y a de la bouffe, je veux bien !), moi je commence à regarder mes fichiers météo et à préparer ma prochaine nave. Mais ça, chers lecteurs, nous en reparlerons plus tard !


Place de la Indepedencia

Le bâtiment des Douanes

Le siège du MERCOSUR

Statue de Iemanja

Pas très contente la déesse !

Une barque d'offrandes

Bénédictions

En marge de la fête, quelques mécontants

Et dans le parc juste à côté, une statue de... Confucius !

Palacio Salvo

Le jogging du soir

mardi 5 février 2013

De La Paloma à Piriápolis



34°52.517S 55°16.828W
Piriápolis, Uruguay

Le mardi 29 janvier 2013- La Paloma adieu...

Une petite toilette avant le départ
13H45: La Boiteuse décolle du ponton de la Paloma. Hugues et Thomas sont là pour nous lancer les amarres. On se dit au revoir, de cet au revoir sincère dont on sait parfaitement qu’il peut être vain.
Zoë est toute « excited » par cette première nave en amoureux. Moi, j’essaye de garder un air assuré. Genre, le type qui sait ce qu’il fait. Remarquez, ce n’est pas si difficile après tout... Non pas que je me considère comme un supermarin, mais la météo après nous avoir obligé par deux fois à reporter notre départ est enfin clémente. L’océan est superbement calme, donc ça devrait aller.

15H30 : Le moteur est arrêté et nous naviguons désormais sous voile à deux nœuds. C’est pas la joie, mais pour une mise en train j’estime que c’est largement suffisant. La seule chose qui m’ennuie, c’est qu’avant de partir la prefectura (l’équivalent des garde-côtes) m’a demandé à quelle heure demain nous comptions arriver. Question stupide s’il en est pour qui a déjà navigué à la voile. Mais bon, j’ai prévu large et leur ai dit que nous pensions arriver vers 18H00. J’espère qu’ils ne déclencheront pas le plan ORSEC si nous avons quelques heures de retard !

Zoë soigne son bronzage
18H00 : Premier point de la « traversée ». Je mets des guillemets à ce mot, car au regard de ce que la Boiteuse a déjà parcouru ces 60 milles sont de la rigolade ! On se traîne à 2,5 nœuds de moyenne et pas exactement dans la bonne direction. 30° trop au sud... Mais bon, c’est pas grave car la nave est agréable. L’après-midi a été chaud et ensoleillé, ce qui veut dire que le cockpit s’est transformé en toaster et l’équipage en tranche de pain de mie. À l’image du soleil, Zoë est radieuse.

19H50 : Le tonnerre gronde sur tribord avant. Ça fait un petit moment que j’observe avec suspicion ce gros orage qui semble nous arriver dessus. L’ennui avec les fichiers grib pour le vent, c’est qu’en plus des effets de côtes ils omettent aussi de vous parler des orages et de la pluie... Je crois qu’on est bon pour une rincée.

Lightning

21H00 : Ça y est ! L’orage est là ! Le vent qui était nord-est a viré au sud-ouest après une courte pétole, et est monté de trois barreaux dans l’échelle de Beaufort. Pour l’instant je fais route au 330° avec un vent à décorner les bœufs en plein dans la gueule !
Zoë bouquine dans le carré, pendant que je me fais doucher à l’extérieur en essayant de garder un semblant d’allure et d’éviter la casse. Il pleut des hallebardes et les éclaires dessinent des mailles de feux juste au dessus de ma tête. Putain de bordel ! On est loin de la jolie nave que j’entrevoyais !

22H00 : Ça y est, je crois que c’est passé... Enfin, j’espère. Pendant une heure on a été secoué comme des pruniers avec un putain de vent tournant qui nous rapprochait de la terre. J’ai bataillé comme j’ai pu, pendant que Zoë, qui était venue me rejoindre, se faisait discrète pour ne pas me gêner dans mes manœuvres. La Boiteuse semble intacte, mais tout ce qui n’a pas pu être mis à l'abri avant le déluge est désormais trempé : Duvet, matelas, sans oublier le Capitaine.
Petit réconfort après l’épreuve, la lune se lève et nous éclaire de ses rayons. Elle est pleine, presque rouge.

Le mercredi 30 janvier 2013 - Bonjour Piriápolis

Petit matin
01H00 : Je réveille Zoë pour qu’elle me remplace à la veille. Je lui passe les consignes... et m’endors presque aussitôt sur la banquette du carré.

03H30 : Me revoilà. Le cap est bon, mais la vitesse laisse à désirer. Le vent qui était au sud lorsque je suis allé me coucher à virer à l’est, et Zoë a parfaitement suivi avec le régulateur d’allure. Brave fille ! Je suis fier d’elle !
Ah ça y est... J’entends d’ici les féministes gueuler au machisme ! Sachez, chères harpies, qu’un régulateur d’allure n’a rien d’évident pour le néophyte, et qu’il ne m’a fallut qu’une seule fois pour en expliquer le fonctionnement à ma coéquipière. Alors, soit je suis un super pédagogue, soit ma Zoë est particulièrement futée. Pour ma part, la deuxième hypothèse me semble beaucoup plus évidente (Et toc !).

Close up
06H00 : À sa demande, je réveille Zoë pour qu’elle assiste avec moi au lever du soleil. Moment privilégié, magique, qui parle à cette part d’hominidé primitif que nous gardons au fond de nous. Cette part pour qui la nuit est synonyme de mort, et qui voit avec soulagement apparaître les premières lueurs du jour.  

07H30 :. J’aperçois une vaste étendue de hauts immeubles modernes ; Punta del Est est en vue. Nous avions envisagé pendant un temps d’y faire escale, par curiosité, mais en cette saison le port est plein à craquer et le pris en est exorbitant (plus de 100 USD par jour pour un bateau comme la Boiteuse !). Tant pis pour eux, si nous tenons tant que ça à aller nous balader chez les riches, nous pourrons toujours prendre un bus.

Beau temps
10H00 : Le temps est décidément splendide, et nous fait oublier le nuit agitée que nous avons eu. Nous laissons Punta del Est sur tribord, et Piriápolis est en vue droit devant, à 18 milles. À 2,5 Nœuds, nous y serons dans sept heures... À moins que je ne décide de finir au moteur. On verra bien, pour l’instant nous profitons de la croisière.

14H00 : Après une pétole qui nous a permis de déjeuner confortablement, le vent s’est installé au sud-ouest et nous pousse vers notre destination à une allure plus que correcte : 4,5 Nœuds. C’est cool, on y est dans trois heures !
Soudain, une petite tête noire apparaît sur tribord avant, celle d’une lionne de mer. Je bondis sur mon appareil photo, mais hélas la bête passe sous la coque et continue sa route sans un regard pour nous.

15H30 : Pfff... On se traîne là ! La pointe qui cache Piriápolis est à six milles devant nous et semble ne jamais vouloir se rapprocher. Zoë dort à l’intérieur pendant que je bouquine. Ce sont toujours les dernières heures qui sont les plus longues...

Le nouveau terrain de jeu de Touline
17H45 : Ça y est, nous y sommes. Je démarre le moteur et nous préparons le bateau pour l’atterrissage. À deux c’est tout de même beaucoup plus rapide ! Mais avant de franchir les bouées du port, un rituel assez particulier s’impose.
En Uruguay, l’accès des ports ainsi que des marinas est régi par la prefectura, qu’il convient d’appeler par radio sur le canal 16, avant même d’en franchir l’entrée. Et si l’on arrive en fin de journée comme c’est le cas aujourd’hui, il s’en suit alors un embouteillage radiophonique assez déroutant sur une fréquence normalement réservée aux urgences. Sans parler du fait que vous avez intérêt à maîtriser votre espagnol mâtiné d’accent uruguayen ! (avec des che partout !)
Mais bon, je connais maintenant assez bien l’idiome local et nous ne tardons pas à nous glisser dans l’avant-port. Un type nous indique où nous poser, à côté du travel-lift , et à 18H20 pétante, la Boiteuse se retrouve amarrée dans la marina de Piriápolis.

La Boiteuse à Piriapolis
Épilogue : Étant donné l’heure tardive, les bureaux du port sont fermés et l’on nous propose de remettre au lendemain les formalités administratives. Tant mieux, nous avons autre chose à faire, et notamment partir à la découverte de notre nouveau lieu de résidence. Touline elle, est déjà en mode exploration et déambule entre les quilles des bateaux de la zone technique, pendant que nous rangeons le bateau et que nous nous installons.
Le soir, nous partons déambuler sur le front de mer avant que de nous arrêter dans un petit resto pour dîner. Y’a pas à dire, même si la bouffe est plutôt chère si l’on compare avec le Brésil, pour la qualité par contre, il n’y a pas photo.

Le lendemain matin, je me suis rendu aux bureaux de la marina pour régulariser notre situation, et là une mauvaise surprise m’y attendait. Ces empaffés me demandaient la somme exorbitante de 44 euros par jour !
J’ai été sonné par cette nouvelle, et je peux vous dire que pendant le petit-déjeuner je faisais un peu la gueule... Nous en avons discuté avec Zoë, et nous n’avons pas tardé à prendre la décision qui s’imposait : on se casse, et tant pis pour Piriápolis !
C’est dommage, car cette ville balnéaire nous avait plutôt plu lors de notre balade de la veille... Mais bon, si je veux que mon voyage dure longtemps, je ne peux pas me permettre de telles dépenses.
Il nous a fallu donc re-préparer la Boiteuse et faire quelques courses, et à 19H00 nous reprenions la mer à destination de Montevideo. Mais là, cela fera l’objet d’un autre article !

Etrange effet de lumière...
Ca va Touline ?
Au loin le tonnerre gronde...
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Touline fait ses devoirs