vendredi 28 juin 2013

Rendez-vous avec une grue

34°26.602S 58°31.795W
Buenos Aires, Argentine

Nous sommes le mardi 25 juin, et aujourd'hui est un grand jour, car La Boiteuse a rendez-vous avec une grue. En effet, c'est aujourd'hui que je dois sortir le bateau de l'eau pour lui refaire son antifouling. Vous allez me dire que cela n'a rien d'exceptionnel dans la vie d'un bateau et qu'il est normal et sain que celui-ci prenne l'air de temps en temps... Certes. Mais il n'en reste pas moins que voir celui-ci s'élever hors de son élément est quelque chose que tout propriétaire appréhende. Un bateau, aussi robuste soit-il, devient une petite chose fragile dès qu'il ne repose plus sur l'eau, et un choc même bénin peut avoir des conséquences dramatiques.

Tatillons mais adorables
Hier, je suis passé voir les Douanes pour obtenir l'autorisation de sortir La Boiteuse. C'est obligatoire ici en Argentine. Toute mise au sec est limitée dans le temps et doit être signalée et dûment justifiée, factures à l'appui. Les Douanes se réservent même le droit de venir sur le chantier pour prendre le bateau en photo et juger par elles même de la réalité des travaux. De même, avant la remise à l'eau je vais devoir repasser les voir pour qu'ils viennent vérifier de visu que les travaux que j'ai engagé ont bien été effectués... Malgré la gentillesse des fonctionnaires (ben oui, avec moi ils sont adorables. Tatillons, mais adorables), j'ai quand même l'impression qu'ils sont un brin paranos dans le coin.

I beleive I can fly !
Bref, il est 09H45 et je démarre Mercedes pour me rendre sous la grue. Aussitôt, Touline se précipite à la proue pour prendre la tangente. Hélas pour elle, j'ai déjà viré la passerelle et la rive se trouve à quatre mètres. Pas grave, elle saute quand même ! Et... réussi presque son coup en atterrissant à moitié sur la rive, les pattes arrières dans la flotte. Bon, là je suis en train de barrer mon bateau et je n'ai pas le temps de m'occuper d'elle. On verra plus tard.
Cinq minutes plus tard je m'amarre au quai sous la grue, et je fonce chercher Touline pour montrer à cette stupide chatte où se trouve sa maison. Elle est interloquée. Elle regarde tous ces gens qu'elle ne connaît pas s’affairer autour de La Boiteuse et son étonnement ira grandissant au fur et à mesure que le bateau prend de l'altitude.

Mais ! Qu'est-ce qu'ils font à ma maison ces cons ?
  Car ça y est, La Boiteuse commence à voler, et tout doucement la coque se dévoile. A premier regard, je trouve qu'elle n'est pas en aussi mauvais état que je le pensais... Mais c'est très relatif car j'aperçois quand même quelques balanes de belle taille, et des pans entiers de la coques sont recouverts de coquillages morts. Les quelques mois que nous venons de passer dans l'eau douce et boueuse du Rio de la Plata ont eut raison de toute vie aliène... Il ne reste plus que des coquilles vides qui devraient partir assez facilement.

En voiture Simone !
La grue pivote et dépose La Boiteuse sur le chariot. Les ouvriers la cale, et c'est parti pour une cinquantaine de mètres de balade en tracteur ! Après un créneau effectué de main de maître, on dispose les poteaux (une douzaine) et voilà La Boiteuse garée à côté de ses copine pour les jours à venir.
Pendant toute l'opération, j'ai eu comme un léger nœud à l'estomac... Très léger, car il faut bien le reconnaître ces gens-là savent ce qu'ils font. La façon dont ils gèrent les choses, et même si les moyens utilisés peuvent paraître rudimentaires à l'occidental que je suis, a franchement de quoi rassurer le plus anxieux des Capitaines.

Euh... Tu crois que je peux ?
Il est presque midi maintenant, et tout le monde est reparti me laissant seul en tête à tête avec mon bateau. Mais avant de m'attaquer au vif du sujet, j'ai tout de même un problème à régler... Touline est là, assise au pied de la quille et je vois bien qu'elle se demande bien comment elle va pouvoir faire pour grimper là-haut. Moi aussi d'ailleurs.
Mais cette chatte a décidément de la ressource. J'en étais à me dire que j'allais devoir lui apprendre à grimper à l'échelle, lorsque je la vois soudain grimper d'un bond sur le toit de la remise située juste à l'arrière du bateau ! Oh qu'elle est futée la bestiole ! Le toit est exactement à l'horizontale par rapport à la poupe, et je n'ai eu qu'à relier les deux avec un des poteaux pour fabriquer une passerelle. Et hop ! Après une petite hésitation voilà Touline qui empreinte ce pont improvisé pour rejoindre ces pénates !

Il était temps je crois !
Bon, où en étais-je moi ? Ah oui, comme je vous le disais, je me retrouve face à face avec mon bateau. Je suis là, le couteau à gratter à la main, ne sachant pas trop par quel bout commencer... La tâche m’apparaît titanesque !
Je gratte de ci delà, un peu au hasard, cherchant à deviner l'épaisseur de ce que j'ai à enlever. Les coquillages s'enlèvent assez facilement, et ça et là quelques plaques d'une vieille couche d'antifouling se décollent presque toutes seules... Par contre à d'autre endroits c'est plus dur et je dois carrément y aller à grand coups de ciseau.
Il faut quand même que je vous dise que je ne sais pas trop ce que je fais. C'est la première fois de ma vie que je fais ce genre de truc, et même si j'en ai pas mal discuté en amont avec Hughes et Laurent, je me sens un peu seul sur ce coup-là. Alors pour me donner une contenance face aux autres ouvriers qui me regardent (oui, je les vois du coin de l’œil qui m'observent !), je fais semblant d'ausculter ma coque tel l'expert moyen.

Une forme de vie extraterrestre !
Bon, le précédent antifouling date de trois ans. Et à force de l'avoir gratté je vois bien qu'il n'en reste plus grand chose. J'aperçois même le gelcoat par endroit... Ok, je sens bien que pour quelques-uns d'entre vous, je parle chinois. Alors sachez jeunes padawans que l'antifouling est le nom que l'on donne à la peinture qui recouvre la coque des bateaux. Il s'agit d'une peinture sobrement appelée « écocide », c'est à dire, pour faire simple, d'une peinture empoisonnée destinée à empêcher toute forme de vie aquatique de se fixer sur la coque. Et le gelcoat, c'est la résine qui recouvre le polyester de la coque.
Bien, ceci étant précisé, vous voilà aussi avancé que moi avec ma spatule. Faire illusion en jouant les experts, ça va bien un moment, mais tôt ou tard il faut bien se mettre au boulot. Je commence donc à gratter le safran. Puis comme j'ai bien vite mal au bras, je m'attaque à la quille pour ensuite préférer la ligne de flottaison où le boulot me semble plus facile. Je papillonne autour de mon bateau, changeant d'endroit et de position chaque fois que celle-ci devient trop inconfortable. Mais j'ai beau me démener, lorsqu'à 17H00 les ouvriers commencent à quitter le chantier, je n'ai pas vraiment avancé. Tout au plus ai-je réussi à décaper un tout petit mètre carré ! Et encore, quand je dis « décaper », j'exagère. A peine ai-je réussi à enlever la couche supérieur de l'antifouling. Et encore pas toujours complètement.
Le couteau à mastiquer que j'utilise n'est vraiment pas l'outil idéal, et lorsque Laurent passe me voir le soir il me conseille carrément d'utiliser un large ciseau à bois bien affûté.

Tout de suite ça va beaucoup mieux !
Et effectivement, lorsque le lendemain je reprends le travail après être passé à la quincaillerie et m'être procuré ledit outil je me rends compte que le travail avance un peu plus vite. Juste un tout petit peu plus vite... A tel point qu'à midi il me faut bien me rendre compte que je n'y arriverais jamais sans aide. Ce boulot réclame les grands moyens, aussi me suis-je mis en quête de les trouver.
Je suis donc allé trouvé Charly, le patron du chantier et dix minutes plus tard un de ses ouvriers s'attaquait à la tâche armé de sa meuleuse. En deux heures de temps, le gamin en avait fait dix fois plus et dix fois mieux que moi avec mon ciseau à la con.
Bon d'accord, ça va me coûter 3000 Pesos ( environ 427 Euros), mais au moins je vais pouvoir partir sur des bases saines et une coque impeccable !

Logiquement, le travail de décapage devrait être terminé aujourd'hui. Ce weekend je vais donc pouvoir passer une première couche de peinture dite « primaire », et ensuite viendront plusieurs couche d'antifouling. Selon mes prévisions, tout devrait être terminé dans le courant de la semaine qui vient. Et ensuite... Et bien ensuite on s'en va !


Hughes et Laurent, mes conseillers es-carénage !

Le premier qui me dit que La Boiteuse n'a pas une belle ligne est un crétin.
L'hélice est impeccable grâce à Zoë

Un nouveau cadre de vie pour quelques jours
Trop la classe Touline !

Ça avance !

jeudi 20 juin 2013

Touline a disparue !

34°26.602S 58°31.795W
Buenos Aires, Argentine

Vous faites ce que vous voulez, moi je surveille les outils !
Nous étions le jeudi et La Boiteuse prenait le soleil depuis quatre jours, amarrée au quai flottant du chantier du Club de Veleros de Barlovento. Il me faut vous dire que malgré l'ambiance un peu agitée de l'endroit, j'appréciais vraiment de ne plus me trouver à l'ombre des grands arbres qui bordent la partie nord de la marina... En plein été je ne doute pas qu'il serait agréable d'être sous leur protection, mais en cette période de l'année cela signifie presque dix degrés de différence ! (Nous sommes dans l’hémisphère Sud, je vous le rappelle).
Bref, de mon côté j'avais coupé le chauffage et enlevé une couche de polaire alors que Touline fourrait son nez partout comme à son habitude. Non pas qu'elle ne connaissait pas cette partie de la marina, mais le fait que sa maison ait changée de place lui offrait une nouvelle perspective sur son environnement. Elle était partout à la fois : S'essayant à la chasse à la tourterelle, squattant les caisses à outils des ouvriers, et bien sûr explorant les bateaux alentours...

Mais ce jeudi, en fin d'après midi les travaux sur les winchs du mât étaient sur le point de se terminer et il me fallait rejoindre ma place habituelle. Aussitôt le moteur démarré, Touline qui prenait le soleil sur la capote du cockpit, débarque d'un bond. Je me dis que ce n'est pas bien grave, que je viendrais la chercher plus tard... Et c'est ce que j'ai fais. Car il faut quand même que je vous dise : Touline a beau être assez futée en général, il lui arrive aussi d'être particulièrement stupide. Bien sûr, il y a ces trente-trois bains forcés qui démontre un trouble locomoteur certain (ou tout simplement une trop grande confiance en elle), mais aussi une certaine... (comment appeler ça ?) Une courte vue ?
Laissez-moi vous raconter une anecdote. Lorsque nous sommes arrivés à Jacaré, je suis resté stationné pendant deux jours sur le ponton d'accueil avant de rejoindre ma place. Et bien une fois que cela a été fait, j'ai retrouvé ma Touline complètement déboussolée, assise au bout du ponton, se demandant où avait bien pu passer sa maison... Alors que la Boiteuse était à moins de dix mètres et qu'elle venait juste de passer devant ! Tout ça pour dire que chaque fois que je change de place j'ai pris pour habitude d'aller la chercher pour lui montrer où exactement ce trouve le bateau.
Et c'est donc ce que j'ai fait ce jeudi là. J'ai chopé Touline, l'ai embarqué dans l'annexe et je l'ai ramenée à bord.
Dix minutes plus tard elle sautait à terre pour partir en balade, comme à son habitude.

Touline en chasse
Le lendemain, Touline n'était pas réapparue mais je ne m'en m'inquiétais pas plus que ça. Je suis un Papa compréhensif, et je me doutais bien que la chatte avait encore plein de découvertes super fascinantes à faire et qu'elle n'allait pas quitter comme ça ce territoire nouvellement acquis.
Et puis ce n'était pas la première fois que Touline découchait...
Le samedi matin, toujours pas de Touline. Là, j'ai commencé à m'inquiéter pour de bon. Vingt-quatre heures d'absence c'est assez courant, trente-six heures c'est arrivé une fois, mais au bout de quarante je considère que la coupe est pleine. Je suis donc parti à sa recherche, non sans avoir auparavant posté sur ma page facebook une petite bluette pour informer mes amis et tous les fans de Touline. Aussitôt, je reçois un soutien ahurissant qui m'aide à calmer mon angoisse grandissante.
J'ai arpenté en long et en large la marina, questionnant les ouvriers, les lancheros, les propriétaires de voiliers... Et je recueille ainsi le témoignage de deux personnes qui me disent l'avoir vu dans la journée de vendredi. Une fois en train de faire la sieste sous la quille d'un bateau au carénage, et une seconde fois près du ponton des annexes... Je suis soulagé.

Le dimanche, je repars à sa recherche. Le chantier est désert et silencieux, et j'en profite pour gueuler son nom et tendre l'oreille à l’affût d'un miaulement... Hélas, seul le chant des oiseaux me répond. Je tape régulièrement dans mes mains, ce qui est habituellement notre signal pour dire : Rapplique dare-dare ! Mais là encore sans résultat. Seules quelques têtes se retournent au son du claquement de mes mains, et les gens me jettent des regards en biais.
J'explore tous les recoins du chantier, et plus particulièrement l'arrière des ateliers où réside un gang de chats errants. Je sais que Touline n'aime pas particulièrement ses congénères, mais on ne sait jamais. Peut-être aura-t-elle réussi à se faire des copains félins ? Personnellement j'en doute, mais je suis prêt à tout envisager. Cette bande de chats, ils sont cinq ou six, sont issus de la même famille et sont soit roux, soit noirs. A chaque fois que j’aperçois une silhouette sombre filer entre les arbres, mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Suivit presque aussitôt par un profond soupir lorsque je réalise qu'il ne s'agit pas d'elle. Je me surprends même à les interroger à voix haute : Vous n'avez pas vu une chatte avec un collier rouge ? Mais ces va-nu-pieds détalent sans daigner me répondre.

Au fil du temps qui passe j'ai continué à arpenter la marina trois à quatre fois par jour. A chaque fois que je croisais quelqu'un, l'on m'interrogeait du regard. Alors ? La gata ? Je répondais que je ne l'avais toujours pas retrouvée, mais j'imagine que les gens savaient déjà la réponse rien qu'en regardant ma tête.
J'attendais avec espoir le lundi et la réouverture du chantier. Je me disais que peut-être, elle avait été enfermée dans un bateau, et que lorsque les ouvriers allaient revenir ils allaient la délivrer. Mais non, aucun d'entre eux n'est venu m'annoncer la bonne nouvelle. J'errais comme une âme en peine, complètement démoralisé. Le spectre de ma dépression resurgit à un point tel que le soir, alors que j'allais faire des courses pour remplir le frigo, j'ai même été à deux doigts de m'acheter de quoi picoler. Mais heureusement je me suis repris à temps, et je n'en n'ai rien fait.

Desaparecida
Le mardi, cinquième jour de sa disparition, je commençais doucement à me faire une raison... Je me posais la question : A partir de quand dois-je la considérer comme perdue et continuer ma route ? C'était horrible de devoir penser comme ça... Mais j'avais déjà reporté d'une semaine le carénage de La Boiteuse à cause de sa disparition, et le mois de juillet approchait à grand pas. Bientôt il allait me falloir partir, avec ou sans elle.
Mais avant de prendre cette terrible décision, je voulais être sûr d'avoir tout tenté. Et c'est pourquoi, le mercredi matin je suis allé faire photocopier une vingtaine d'affiches. Je les ai disposé un peu partout à l'intérieur de la marina, ainsi que sur la route qui y conduit. J'en ai même mis sur la berge du fleuve, de l'autre côté de la haie, où je savais que Touline aimait bien aller embêter les promeneurs avec leurs chiens.

Il était presque midi ce mercredi lorsque je revenais au bateau, en me disant que cette fois-ci j'avais fait le maximum. J'étais en train d'amarrer mon annexe lorsque soudain j'entends un cri bizarre. On aurait dit une mouette. Je lève les yeux au ciel mais une partie de mon cerveau sait déjà que ce n'est pas possible. Il n'y a pas de mouettes ici. J'entends autre cri, plus guttural celui-là, couvert par le bruit du moteur de la lancha qui s'approche... Et soudain qu'est-ce que je vois ? TOULINE !!!
Elle était là, miaulant comme une folle, coincée sous le bras du lanchero qui pilotait sa barque d'une main. Oh putain ! Mon cœur semble vouloir exploser dans ma poitrine et les larmes me montent aux yeux ! Elle est là !
Le lanchero la dépose à bord, et la voilà qui arpente le pont de la Boiteuse en tout sens sans cesser de gueuler comme un putois. Mahou ! Mahou! Mahou !

Le Delirio
Quelques secondes plus tard, je vois arriver Daniel et Diego, les deux ouvriers qui avaient travailler sur La Boiteuse, et ceux-ci me racontent ce qu'il s'est passé. Quelques minutes après que j'eu coller une affiche sur le débarcadère du chantier, le lanchero arrive pour y déposer un socio. Ce lanchero ne travaillait pas cette semaine, et ignorait donc que je cherchais Touline depuis des jours. Il voit l'affiche, la lit et reprend sa tournée... Lorsqu'il entend un miaulement provenir d'un bateau, le Delirio. Aussitôt il fait le rapprochement, et quelques minutes plus tard la chatte surgit de sa prison flottante où elle venait de passer cinq jours ! Il semblerait, d'après ce que j'ai compris, que le vendredi après midi elle se soit glissée dans le bateau alors qu'un employé le nettoyait, et qu'elle se soit laissée enfermée à son départ. Le truc con, comme je me doutais depuis le début.

Touline est donc rentrée, un peu peu amaigrie (mais pas tant que ça), et déshydratée. Mais elle va bien. Cette nuit nous avons dormis ensemble, et ce matin elle est allé faire un tour... Pas trop loin ! Dès que j'ai tapé dans mes mains elle a bondit de la haie pour rentrer en courant et sauter sur la passerelle. Je crois que je ne vais plus la lâcher des yeux jusqu'à ce que nous soyons repartis !
Là, elle est perchée sur mon épaule, comme elle le faisait quand elle était petite.
Aujourd'hui, il va falloir que je m'enquière auprès du propriétaire du Delirio pour savoir si elle n'aura pas fait trop de dégâts... J'imagine que cela ne doit pas sentir la rose à l’intérieur !

Voilà, vous savez tout. Il ne me reste plus qu'à vous remercier toutes et tous pour votre soutien moral pendant cette épreuve. Une des plus dure qu'il m'est été donné de traverser depuis très longtemps. Je ne sais pas trop ce que je serais devenu si je ne l'avais pas retrouvé... Je sais bien que cela peut avoir un côté pathétique d'être autant attaché à un animal, mais il faut comprendre qu'actuellement Touline est ma seule compagnie... Enfin, je crois que vous comprenez ce que je veux dire. Si je l'avais perdu, cela aurait fait beaucoup en peu de temps.

Allez, je vous laisse. Et encore merci pour tous vos messages et le réconfort qu'ils m'ont apportés !

De retour sur La Boiteuse !
Le Capitaine et son équipage, au complet !

mercredi 12 juin 2013

Je régle quelques problèmes, et d'autres pas...

34°26.602S 58°31.795W
Buenos Aires, Argentine

Tyran quiquivi
Il n'est pas encore six heures, et dehors il fait encore nuit. Bientôt, le chant des Tyrans quiquivi (Pitangus sulphuratus) commencera à résonner dans les frondaisons qui surplombent les eaux calmes de la marina de Barlovento. Je profite de ce calme relatif, le chant du Tyran est criard au possible, pour commencer cet article qui s'annonce riche en événements, et sans doute un peu long. Tant pis pour vous. Ou tant mieux, c'est selon votre propension à aimer vous perdre dans mes élucubrations.
Alors préparez-vous un sandwich et des boissons énergisantes, et carrez-vous confortablement dans votre fauteuil, car il y en a pour un bout de temps. Ça-y-est, c'est fait ? Alors on y va.

Pour commencer, je voulais rectifier le tir concernant une impression erronée qu'aura laissé mon dernier article. Cela concerne mon épisode amoureux avec ma belle américaine... Comment vous dire ça ? J'ai su que le fait de vous dire que j'avais le cœur brisé pouvait laisser à croire que c'était Zoë qui m'avait quitté. C'est faux. Même si nous nous sommes séparés en bons termes, le salaud dans l'histoire c'est moi.
Voilà, je voulais que cela soit préciser car je regrette déjà assez amèrement mes paroles et mes actes, je ne voulais pas, en plus, passer pour une victime alors qu'il n'en n'est rien. Question de respect envers Zoë, et peut-être aussi envers moi-même.
Et puis si finalement c'est moi qui souffre le plus de cette séparation, ce n'est peut-être que justice. Enfin, j'en sais rien... Je vous avoue que je ne sais plus trop ce qui est juste ou pas en ce moment.

En route pour l'Uruguay
Bon, passons maintenant à des choses plus gaies. Si vous êtes des lecteurs attentifs (ce dont je ne doute pas), vous vous êtes certainement rendu compte que nous sommes le 12 juin, et que cela fait exactement trois mois que j'ai débarqué en Argentine. Et trois mois étant la durée d'un visa touristique de base, il m'a donc fallu le renouveler. Et croyez-moi si je vous dis que cela n'a pas été une mince affaire.
Il vous en souvient certainement (sinon, reportez-vous à mon premier article argentin), la douane argentine est particulièrement suspicieuse en ce qui concerne les bateaux étrangers en visite. Disons-le carrément, pour eux vous êtes des importateurs en puissance. Lorsque nous sommes arrivés, il m'avait été clairement spécifié qu'il n'était en aucun cas question de quitter le territoire sans mon bateau. Sauf que, arrivé à l'échéance de mon visa, et à cause de ma paresse, la Boiteuse était complètement incapable de prendre la mer. D'où mon problème...
J'ai donc cherché un conseil autour de moi, et c'est auprès d'un vieux couple d'Allemands que la solution m'est apparue. Ils étaient là depuis un an et demi, et pratiquaient de la sorte : Ils prenaient le ferry pour l'Uruguay, puis revenaient dans la même journée avec un nouveau visa de trois mois. Ensuite, il suffisait de régulariser la situation auprès des douanes afin qu'ils « ajustent » la durée de séjour du bateau au nouveau visa.

Nouveau visa
C'est donc ce que j'ai fait. Jeudi dernier j'ai pris le ferry pour Colonia, et j'en ai profité pour rendre visite à mes copains Caroline et Hughes sur Loïck. De retour en Argentine, avec mon nouveau visa, je me suis présenté à la douane pour régulariser ma situation... Et là, on m'a clairement fait comprendre que ce n'était absolument pas la chose à faire ! En effet, je m'étais rendu coupable d'un crime impardonnable, j'avais quitté le pays en laissant mon bateau !
Bon, finalement les choses ce sont arrangées, grâce à ma mine spéciale Calimero. Je suis devenu assez doué à ce jeu là, je dois bien le reconnaître. En plus le douanier était une douanière, l'effet Calimero s'en est trouvé décuplé.
Me revoilà donc parti pour trois mois, et je vais donc pouvoir entreprendre tranquillement les travaux que La Boiteuse requière. Bon, dans l'absolu il faut quand même que je mette les voiles avant la fin juillet si je veux profiter des dépressions de Sud pour pouvoir remonter le long des côtes sud-américaine. Mais je pense qu'un mois sera largement suffisant, d'autant plus que depuis lundi deux techniciens s'affairent sur le pont.

Loïck arrive !
Le deuxième événement digne d'être cité ici, est que Loïck est enfin arrivé à Barlovento ! Oui, je dis enfin, car mine de rien je les attends depuis presque deux mois. J'ai même cru pendant un moment que nous n'arriverions pas à nous revoir avant que je ne reprenne la route du Nord, et eux celle du Sud. Et ça, franchement ça m'aurait fait chier. Mais bon, ils sont là maintenant et je vais pouvoir profiter éhontément de leur compagnie. Avec Laurent, arrivé la semaine dernière avec Basic Instinct, nous sommes maintenant trois bateaux français et représentons la majorité des visiteurs étrangers. Pourquoi faut-il que ce soit après m'être fait chier pendant des semaines, et presque au moment de repartir, que mon environnement social devient plus intéressant ? Cela m'arrive quasiment à chaque escale un peu longue...

Pas mal de boulot...
Enfin, j'y faisais allusion plus haut, les travaux sur le mât ont enfin commencé. Le feux de mouillage est dors et déjà remplacé, le support de la drisse de spi aussi, les winchs oxydés sont en bonne voie d'être reconditionnés, et les ridoirs des galhaubans sont flambant neuf. Aujourd'hui, la jointure de la barre de flèche tribord devrait être ressoudée, et le circuit électrique du mât réparé. J'entends le bruit de la perceuse et celui des coups de marteaux au dessus de ma tête pendant que je tape ces mots, et bon dieu que c'est plaisant !
Bon d'accord, je reconnais qu'il y a une certaine satisfaction à réaliser ou à réparer quelque chose de ses mains. Mais quitte à vous choquer, j'ai quand même plus de satisfaction à payer quelqu'un et à le regarder travailler, que de faire les choses par moi-même.
Logiquement (et si je consulte ma liste des choses à faire), après cette journée je n'aurais plus qu'à prendre rendez-vous pour sortir le bateau et à m'attaquer à l'antifooling... Quelques aller-retours au magasin d'accastillage pour racheter une ancre et quelques amarres, changer le sondeur si je n'arrive pas à le réparer, et La Boiteuse sera fin prête à reprendre la mer.

Ridoir en bronze
Je vous avoue que même si ça va me faire mal de quitter mes amis, je ne suis cependant pas mécontent de repartir... Peut-être est-ce dû au fait que l'Argentine aura été le théâtre d'un fiasco sentimental, ou bien parce que ce pays ne m'attire finalement pas plus que ça, mais j'ai hâte de reprendre la mer et de repartir vers de nouveaux horizons. Au moins, ce qu'il y a de bien avec les horizons, c'est qu'ils recèlent une part d'inconnu qui laisse de la place aux rêves et à l'espoir. Et c'est toujours mieux que de se morfondre dans un décors qui vous rappelle sans cesse vos déceptions... Bon, j'arrête là pour aujourd'hui parce que si je sens que je deviens aigri. Et de l'aigreur à la méchanceté il n'y a qu'un pas que je me sais capable de franchir allègrement. Et ce serait parfaitement injuste, n'est-ce pas ?

Finalement, cet article n'aura pas été si long. Y'en a qui vont être content. Je vous mets quand même quelques photos, ça fera plus long.


Ça marche ?

Plus de souci pour monter au mât, il suffit de glisser le bateau sous l'échelle !
Nouvelle poulie de spi, et lumière qui fonctionne !

La Boiteuse vue par une mouette