samedi 31 mai 2014

De Charitas à la Ilha de Paquetá

22°45.745S 43°06.203W
Ilha de Paquetá

Le mardi 27 Mai 2014

Non, non et non, je ne bougerais pas !
07H20 : La Boiteuse est presque prête à partir et je m'accorde une courte pause le temps de jeter quelques mots sur le papier. En fait, le départ s'est décidé assez vite... Au début, je comptais partir aujourd'hui dans la soirée pour rallier Buzios en moins de vingt-quatre heures, mais au dernier moment la fenêtre que je voulais emprunter s'est avérée trop courte. Bon, cela ne faisait que la deuxième fois que la météo me faisait faux bond depuis mon arrivée à Rio... Pas de quoi péter une durit me direz-vous. Et puis la troisième tentative est souvent la bonne pourriez-vous rajouter.

Sauf que nous en étions à discuter de tout cela avec Christophe lorsque l'idée nous est venue d'envisager de déménager nos pénates en un lieu a priori plus agréable, l’île de Paquetá. Paquetá est une île d'environ 2,5 Km de long située presque tout au fond de la baie de Guanabara. Et d'après Suzy, une dynamique brésilienne super serviable et parlant un français impeccable, le lieu serait idéal pour mouiller loin de la ville tout en en restant assez proche au cas où. Il y aurait même la possibilité de se mettre à quai et d'avoir de l'électricité et internet... Gratuitement !
Bon, personnellement je n'y crois pas trop, mais je me dis que quitte à poireauter dans le coin, autant le faire dans un endroit plus agréable et moins déprimant que ce foutu Clube Naval Charitas à la con. Et tant pis si c'est au mouillage !
Nous avons donc décidé de nous y rendre Christophe et moi, et pas plus tard qu'aujourd'hui.

L'Envol
09H10 : Ça y est, j'ai payé la marina. Putain, presque 500 Euros pour dix-sept jours, ça fait mal au cul ! En plus, au dernier moment ils n'ont pas voulu que je règle avec ma carte bancaire à cause de leur histoire de debito/credito (*) à la con !
J'ai dû hausser un peu le ton et me montrer ferme pour me faire entendre, et ils ont finalement accepté ma carte à « titre exceptionnel ». N'empêche que je ne me suis pas privé de leur dire que mon cas n'était pas exceptionnel puisque cela concernait tous les étrangers, et qu'avec des pratiques comme celle-là ils risquaient d'en voir de moins en moins... Bref, jusqu'au bout ils m'auront fait chier !
J'attends que Christophe termine de préparer l'Envol, et on y va... Il faut que je récupère la chatte aussi.

09H25 : Ouf ! J'ai réussi à chopper Touline ! Et ça n'a pas été facile. J'ai dû ressortir l'épervier et attraper une petite ablette pour réussir à l'attirer sur le bateau, pour enfin la kidnapper de la plus vile manière ! C'est que depuis ce matin elle a bien vu que je préparais La Boiteuse pour la nave, et elle se tenait à distance la bougresse. Pas folle ma bestiole.

10H10 : Alors que Christophe remonte son ancre, je décroche mes amarres et nous voilà parti ! J'arrête le moteur presque aussitôt, et nous commençons à tirer des bords de près pour nous extraire de la baie de Saõ Francisco. Le vent est capricieux, jouant avec les montagnes environnantes, et sautant allègrement entre la pétole absolue et la rafale à 15 nœuds. C'est très technique et assez amusant en fait.
 
Une sirène brésilienne ?
A un moment de calme plat, je me fais même rattraper par une nana sur un paddle-board ! On a échangé quelques mots, et j'ai même osé lui faire un peu de boniment. L'idée m'a effleuré pendant une seconde de pousser plus loin mon avantage et de la suivre mais bon... Quand on est parti, on est parti, hein ?

11H00 : Après un ultime bord de près serré juste devant le musée d'art moderne (celui qui ressemble à une soucoupe volante), nous voilà enfin dans le chenal principal. Maintenant c'est tout droit par vent de travers. La Boiteuse se fait honteusement distancer par le petit Django de Christophe. On file à 5,5 nœuds.

11H30 : C'est la pétole maintenant, et mon grand génois peine à récolter le moindre souffle d'air. Cela dit, je suis en train de rattraper l'Envol et ça me fait bien plaisir !

11H45 : C'est officiel, La Boiteuse vient de passer en tête ! Prévenez le commissaire de course, je me charge des journalistes !

Yes ! La Boiteuse passe le pont en premier !
12H05 : Et c'est bibi qui passe le premier sous le pont Presidente Costa e Silva ! Yes !
Bon, on avance à deux nœuds et des poussières, mais c'est tout à fait agréable de naviguer bord à bord avec un copain seulement poussé par le courant de la marée. On peu discuter, se conseiller... Bref, j'apprécie.

13H40 : Nous sommes vent arrière maintenant. Voile d'avant tangonnée et en ciseau s'il vous plaît ! Ça a de la gueule bordel !

14H10 : Nous passons la pointe sud de l'île. La punta de Ribeira.

14H50 : Plouf fait la pioche en tombant dans l'eau ! La Boiteuse vient de mouiller dans six mètres d'une eau couleur de café noir. Nous sommes arrivés !

Vous voulez que je vous dise ? En général je ne me fais pas assez confiance pour croire en mes intuitions, mais le fait est que je sens de bons trucs qui me viennent de cette île... Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais me plaire ici.


Une heure et demi plus tard je passais prendre Christophe avec Miss B, et nous descendions à terre pour explorer notre nouvel environnement. Effectivement, il semble y avoir tout ce dont un honnête marin en escale puisse désirer : Un supermarché, un Lan-house (un cybercafé sans le café si vous préférez), des lanchonettes en veux-tu en voilà, un terminal de ferry pour se rendre à Rio... Bref, c'est tout bien comme il faut. Le seul souci est que l'île est actuellement coupée du monde en ce qui concerne le net... J'espère que ça va se réparer assez rapidement parce que sinon je sens que y'en a qui vont s'inquiéter.
L'île est fermée au voiture, et les rues en terre battue sont sillonnées par toute une flopée de vélos (la plupart électriques, triporteurs et autres rikshaws. Partout des petites maisons de vacance coquettes en diable, sans ostentation ni tape à l’œil, et pour une fois sans barbelés sur les murets. Bref, c'est mignon tout plein !

Promis, dès que j'ai rechargé la batterie de mon appareil photo je vous montre ça plus en détail ! A chao !

(*) : Au Brésil, pour tout paiement par CB les brésiliens ont le choix entre un débit immédiat ou différé à la fin du mois, debito o credito. Certaines structures comme la marina de Charitas exigent d'être payer en débit immédiat. Sauf que toutes les cartes Visa et Mastercard étrangères ne font pas cette distinction et sont automatiquement classées comme des creditos.
D'où un certain souci lorsqu'il s'agit d'effectuer un paiement parfois important. Il faut alors aller au distributeur et retirer du liquide avec les frais que cela occasionne.

PS : Désolé d'avoir tant tardé, pour donner des nouvelles (surtout après une nave si petite soit-elle), mais la liaison avec le continent vient seulement d'être remise après quatre jours de coupure.

Ça pétole, alors on papote !
La Boiteuse
Euh....
L'île de Paqueta est en vue
Reflets du soleil couchant sur ma maison


jeudi 22 mai 2014

Si tu vas à Rio....

22°56.010S 43°06.375W
Clube Naval Charitas, Niterói

Voilà un peu plus de dix jours que La Boiteuse est accrochée tout au bout d'un des pontons délabrés du Clube Naval Charitas, à Niterói. Dix jours sans réels événements qui soient dignes d'être racontés, je le crains... Pour tout vous dire, je ne me plais pas là où je suis.
Le Clube Naval Charitas est assez particulier dans le sens où la politique tarifaire est l'inverse de celle pratiquée dans la plupart des structures que j'ai pu connaître. Les trois premiers jours sont assez raisonnables (56 $R), puis les tarifs augmentent par tranches successives jusqu'à devenir insupportables : 183 $R au delà de deux mois. En résumé, plus longtemps vous restez, plus cher vous payez. Officiellement c'est pour : « Encouraging the turnover of visiting boats ».
Tu parles ! En réalité on retrouve concrètement ce qui m’insupporte dans le milieu nautique brésilien, à savoir cette mentalité de socios de merde. Tout est bon pour conserver l'entre-soi et exclure le voyageur. Je trouve ça choquant, d'autant plus quand c'est moi le voyageur.
En plus, lorsque je vois l'état lamentable des pontons et des bateaux qui portent l'estampille CNC, je me dis qu'ils se foutent réellement du monde. Je n'ai jamais vu de bateaux dans un état aussi pourri depuis que je suis dans ce pays. Par contre, le Clube lui même, ses restaurants, ses aires de jeux pour les enfants, sa piscine, etc, sont nickels... Bref, c'est un Clube qui n'a plus rien de Naval, une espèce de Rotary où se rencontre une élite pour pratiquer l'entre-gens et la cooptation.

Les pontons sont au trois-quart remplis mais ils ont quand même été fichu de m'attribuer la place la plus pourrie qu'il soit, soumise aux vagues levées par les ferrys qui font la navette entre Niterói et Rio. Résultat, un soir, le bout-dehors a touché le quai et c'est tordu... J'ai donc dû m’adresser à un artisan du coin qui m'en a refait un avec un système de fixation légèrement différent.

Rio depuis la ville de Niteroi
J'ai bien tenté ma chance dans la marina d'à côté, celle de Jurujuba, que le guide du Brésil (le Vallette) annonçait comme moins cher. Mais surprise, celle-ci est maintenant interdite aux visiteurs... Je ne sais pas si vous allez me trouver excessif (ça peut m'arriver), mais j'en ai un peu marre d'être reçu comme une merde.
Ah ouais, en plus je me suis fait interdire de pêcher au filet pour Touline ! Soit disant que des socios se seraient plains parce que les quelques méduses que je ramène parfois et qui finissent sur le ponton, ça fait désordre. Quand tu vois la gueule des pontons... Bref, j'ai ravalé ma colère sur le moment parce que l'on m'a aussi fait la réflexion que les animaux étaient interdits, mais depuis je ne me gène pas pour distiller quelques répliques venimeuses laissant entendre que le monde des bateaux de voyage est un tout petit monde et qu'avec moi leur réputation allait en prendre un sacré coup. Non mais c'est vrai quoi ! Qu'ils me fassent chier, à la rigueur, je veux bien. Mais qu'on s'en prenne à Touline et là je montre les crocs !

Bref, vous l'aurez compris, j'ai hâte de me casser d'ici, et a priori ce serait pour la fin de la semaine.

L'envol au mouillage
Mais tout n'a pas été tout gris pendant cette escale puisque j'y ai fait une heureuse rencontre en la personne de Christophe. Christophe est un malade mental. Euh pardon, je veux dire un sportif. Il voyage solo sur L'Envol, un Django 7.70. Bref, un sportif sur un bateau de sport, on est dans la normalité. Nous avons passé d'interminables heures à discuter dans une ambiance de franche camaraderie. On s'est filé des coups de mains et des infos utiles. Bref, C'est une rencontre qui restera dans les anales en ce qui me concerne et je vais garder un œil sur ce petit bateau histoire de ne pas le louper au cas où nos routes se croisent de nouveau dans le Pacifique.

La preuve en image
Et Rio allez-vous me demander. Ben j'y suis allé... Une fois. La preuve, j'ai fait une photo d'un bus pour que vous ne me preniez pas pour un mytho. Et je compte bien y retourner avant la fin de la semaine puisque je suis obligé de me signaler à la Capitainerie du Port avant de repartir. Et comme pour la première fois cela ne me prendra tout au plus une heure... Un peu plus si l'on tient compte du trajet en ferry. Alors je sais, vous allez me dire que je ne suis décidément qu'un indécrottable je-sais-pas-quoi. Un fieffé cabochard têtu comme une mule. Mais les grandes villes, franchement, ça ne m'inspire pas vraiment. Et celle-ci ne m'a pas plus inspiré que beaucoup d'autres. Même pas suffisamment pour monter sur le Pain de Sucre ou aller arpenter les plages de Copacabana ou d'Ipanéma... Car le maître mot dans tout ça c'est justement le verbe arpenter.
Mais bon, je ne vais pas revenir là-dessus, on en a déjà suffisamment discuté.

Des fourmis !
Ah ouais, faut que je vous raconte un truc. Lorsque j'étais dans le ferry pour la grande ville, il était 08H30 quelque chose comme ça, j'étais noyé dans la foule des gens qui partent au boulot. Cela m'a fait une drôle d'impression de voir tous ces hommes en costard cravate et ces femmes en tailleurs. A un moment, alors que la foule piétinait pour sortir du ferry, j'ai regardé mes pieds et j'ai constaté que j'étais le seul en tong. Tout le monde portait des chaussures de ville ! Cirées, avec glands ou sans glands. Escarpin avec ou sans talons. Même pas une seule paire de tennis à l'horizon, que des trucs en cuir !
Je me suis senti bizarre, un peu comme décalé par rapport à ce monde industrieux et pressé. Car aussitôt descendus du ferry fallait les voir cavaler toutes ces petites fourmis ! Tandis que moi je cheminais tranquillement le nez en l'air...

Que puis-je vous raconter d'autre ? Cette semaine j'ai passé quelques heures à trouver et à réparer une fuite sur la vache à eau. La rustine que j'ai posé a l'air de tenir... j'ai également acheté un produit pour récurer les caillebotis en teck, mais je n'ai pas encore eu le courage de m'y atteler. Un jour ou l'autre l'envie me viendra, et j'aurais le produit sous la main, c'est déjà ça.

Voilà-voilà... Je vous laisse pour aujourd'hui. On se retrouve dans pas longtemps dans un autre lieu que j'espère plus accueillant !

La baie de Sao Francisco avec Rio au loin
La même vue de plus haut
Christophe a une manière très particulière de descendre à terre...
Un soir...


lundi 12 mai 2014

De Paraty à Rio de Janeiro

22°56.010S 43°06.375W
Clube Naval Charitas, Niterói

Le vendredi 09 mai 2014 – Petite annonce

Marina de Engenho
05H20 : C'est une furieuse envie de pisser qui m'a tiré du lit vers 04H30. Du genre impératif. Puis la Touline voyant que j'étais levé en à profité pour me réclamer quelques croquettes. A partir de là, se recoucher est devenu mission impossible pour moi. Donc, j'ai entamé mon rituel du matin... Café, clope et réflexions diverses et variées. Et notamment celle-ci en forme de question : Je pars ou je pars pas ?
Depuis ma dernière publication, la fenêtre météo que je visais s'est refermée petit à petit. De quatre jours, elle est passée à trois. Puis à deux... Ensuite, j'ai rencontré Claude, un navigateur solo comme moi, qui est bien sympathique et qui avait « besoin » de mes lumières linguistiques. Enfin, avant-hier, Luiz le gérant de la marina d'Engenho, m'a annoncé (sans que je ne lui demande rien) qu'il allait me faire le tarif des résidents au mois... Bref, j'envisageais sérieusement de reporter mon départ.

Et puis j'ai téléchargé les derniers Gribs et j'ai vu que ma fenêtre semblait même s'entrouvrir un peu plus que la veille au soir... Putain, je fais quoi ? Je commence à préparer le bateau ou bien ?

07H20 : Bon ben ça y est, La Boiteuse est prête. Y'a plus qu'à payer et à attraper la chatte.

07H50 : Zut ! Je viens de me rappeler que j'ai prêté un de mes disques durs à Bertrand (un autre français qui squatte à Paraty depuis des années) et qu'il faut que je le récupère ! J'espère qu'il ne va pas tarder parce que là...

08H10 : Ça y est, j'ai attrapé Touline. A chaque fois ça me fend le cœur que de devoir lui mentir pour arriver à l'enfermer dans la cabine avant... Un jour, je ferais ça une fois de trop et elle me quittera, c'est sûr.
Putain, qu'est-ce qu'il faut l'autre avec mon disque dur ? Si je pars trop tard, je ne vais pas pouvoir arriver à Búzios demain avant la nuit ! Grrrrr !!!

08H30 : Oh Putain ! Devinez qui s'est échappé de la cabine avant par le hublot que j'avais oublié de fermer ? Décidément, tout va mal aujourd'hui...

09H00 : Allumage du moteur. J'ai pu récupérer la chatte et mon disque dur, et j'ai réglé la facture de la marina. Elle s'est finalement élevé à 1370 $R pour douze jours, soit 115 $R par jour au lieu des 180 annoncés au départ. Obrigado Luiz ! (N'empêche, ça fait quand même 37 Euros par jour, merde !)
Je me désamarre tout seul comme un grand, aidé en ça par une absence complète de vent. En douze jours, l'aussière arrière à eu le temps de devenir poisseuse à souhait. Beurk !
Un petit coup de tut-tut pour dire au revoir et zou ! On est parti !

La possibilité d'une île ?

09H25 : Normalement en sortant de la baie d'Ilha Grande nous devrions avoir du sud-ouest entre 10 et 15 nœuds qui devrait durer jusqu'à demain matin. Puis il devrait virer sud-sud-est en fin de journée et se renforcer jusqu'à vingt nœuds à l’approche du Cabo Frio. Mais bon, logiquement je devrais l'avoir laissé dans mon sillage avant que le gros temps n'arrive. Il est prévu également de la pluie et quelques orages... Bref, ça risque de ne pas être très rigolo. Au fait, j'ai pris mon cachet pour le mal de mer ?

09H40 : Fait chier, j'ai oublié de mettre la batterie de l'appareil photo à charger. Ça va être un peu juste si vous voulez des images les enfants.

10H40 : J'arrête Mercedes. Un F4 par le travers propulse La Boiteuse à cinq nœuds. Cap au 110°, droit sur la pointe Est d'Ilha Grande. Enfin, a priori parce que pour l'instant l'île est noyée dans la brume.

11H00 : Hihihi ! Ce vent n'était qu'un Venturi créé par les montagne. Nous sommes de nouveau dans une zone de calme plat. Allez Mercedes, au boulot !

11H20 : Arrêt moteur. Cette fois-ci c'est la bonne.

12H00 : Les effets de la pleine mer commencent à se faire sentir, même si nous n'y sommes pas encore vraiment. Le vent saute sans arrêt et m'oblige à jongler entre le Grand largue et le bon plein... Ça secoue pas mal. J'ai hâte qu'on s'éloigne un peu de la côte pour qu'on puisse abattre un peu. Et Splash ! Un paquet de mer dans uns la gueule, un !

13H30 : Ben zut alors ! Juste alors que je m'apprêtais à faire route au 90°, droit sur Cabo Frio, voilà t'y pas que le vent tombe et vire au SSE. Résultat, je me retrouve à naviguer au près dans une mer formée, mais sans avoir la vitesse nécessaire pour étaler les vagues.

14H00 : Comme prévu hélas, il pleut. J'ai remis mon pantalon de ciré et ma polaire. Ce n'est pas pour rien qu'ils appellent ça um frente frio. Un front froid.

14H45 : Je n'ai pas mangé et j'ai un coup de barre. Je me fais un café avec du lait concentré sucré pour refaire le plein d'énergie.
Le vent a vraiment du mal à se stabiliser et je passe mon temps à régler mes voiles et mon régulateur pour conserver cap et vitesse. Un coup c'est trop fort, un coup ça ne l'est pas assez. Un coup c'est trop au Nord, un coup ça ne l'est pas assez... Un coup il pleut, un coup ça s('arrête avant de reprendre dix minutes plus tard... Bref, ça m'occupe.

15H30 : Ah ! On y est me semble-t-il. Le cap est parfait depuis un moment, il ne me reste plus qu'à faire en sorte de rester au dessus de 5 nœuds si je veux avoir une chance d'arriver demain avant la nuit. Mais bon, pour tout vous dire je n'y crois pas vraiment.

15H55 : Méfiance mon Gwen ! Tu as cinq pétroliers qui font le poireau pour ravitailler juste devant toi. Et j'en aperçois toute une flopée encore derrière... Je sens que la nuit va être longue !

Seuls au monde
16H40 : Touline est particulièrement affectueuse aujourd'hui. Elle ne quitte pas mon giron, ce qui est particulièrement gênant quand il s'agit d'écrire ou de lire. Et je ne vous parle pas de régler une voile ! Pendant ce temps-là, le vent est en train de tomber et on se traîne à trois nœuds et des brouettes.

17H05 : Je sais que cela ne sert à rien de le penser, et encore moins de le dire, mais Zoë me manque. Je regarde Ilha Grande s'éloigner et je pense à ce petit coin de Paradis que je voulais lui faire découvrir... Matariz. Petit coin de Paradis que j'ai, je m'en rends compte maintenant, pris bien soin d'éviter afin qu'il ne se transforme pas en Enfer de solitude.
Seigneur ! J'ai vraiment besoin de trouver une autre équipière !

Bon allez, j'ose. Alors voilà, si tu as entre 25 et 35 ans, si tu aimes l'aventure, si tu aimes les chats, si tu as de l'humour et si tu as eu la patience de lire ce blog dans son entier et que tu trouves malgré tout que je suis un type bien, alors le poste est à toi ! Oui, toi la lectrice derrière ton ordinateur, c'est à toi que je cause.
Et si en plus tu es délurée, que tu as de gros seins et que tu adores faire la cuisine, c'est parfait. Bon, cela étant, ces dernières conditions ne sont pas forfaitaires. Je me satisfais tout aussi bien des petits seins et je suis assez bon cuisinier lorsque je m'en donne la peine...

C'est-y pas malheureux d'en arriver là... Sans déconner, des fois je suis d'un pathétique que c'en est effrayant.

18H20 : Il fait bien nuit maintenant et il pleut à grosses gouttes. La Boiteuse est sur des rails, cap au 85°. Par contre, la vitesse c'est pas trop ça... On verra ce que la nuit nous apportera. Et puis, si je ne le sens pas, il reste toujours la solution de s'arrêter à Rio. (Non Gwendal ! On avait dit pas Rio !)

Le samedi 10 mai 2014 – Plan B

05H40 : Salut. La nuit a été... compliquée, et je ne suis pas fâché qu'elle finisse. On a eu des grains à répétition jusqu'à minuit environ, avec des bourrasques de vent tournant, quelque chose de pas facile à gérer de nuit. Beaucoup de pluie aussi... J'ai dormi comme j'ai pu, dans mes fringues et mon duvet trempé. J'ai eu froid. Après minuit ça a été plus calme. Enfin, si l'on veut car le vent est finalement tombé carrément. On s'est traîné à je ne sais pas combien de nœuds dans une mer formée. Bref, le soleil ne va pas tarder à se lever et c'est tant mieux.
D'après ce que j'en peux voir, je suis pratiquement à la hauteur de Rio de Janeiro. J'aperçois la silhouette des collines et les lumières des favelas. Dans dix minutes je vous dirais où j'en suis exactement et ce qu'elle sera la suite des événements.

06H15 : 45 milles en douze heures... C'est ce que je pensais, ce n'est pas fameux. Rio est à 20 milles plein Nord, et Cabo Frio est à 72 milles au 70°. Il faut ensuite rajouter 18 milles pour rejoindre Búzios. Ce qui nous fait un total de 90 milles pour arriver à destination. Alors, je fais quoi ?

06H20 : Ma décision est prise, on continue. J'ai abattu et nous voilà maintenant au grand largue. Cap au 70°, 3,5 nœuds... On devrait arriver demain matin à Búzios.

07H50 : J'ai dû tangonner le génois, mais on se traîne quand même à trois nœuds et des brindilles. Pffff... Au moins à cette vitesse, je suis sûr d'arriver de jour au mouillage. Mais demain, pas aujourd'hui comme c'était prévu au départ !
Non, ce qui m'inquiète un peu, c'est que je ne sais absolument pas où on en est de cette foutue météo. Si les vents se conforment à ce qui état prévu hier, je vais devoir passer Cabo Frio avec un méchant près et 20 nœuds de Sud-sud-est... Et 20 nœuds se transforment vite en 30 nœuds lorsqu'on s'approche un peu trop près d'une relief... C'est pour ça que je ne m'applique pas trop à faire un cap direct. Déjà que de le passer de nuit ne m'enchante qu'à moitié, je préfère me laisser le plus de marge possible !

09H00 : Vous voulez que je vous dise ? Plus j'y réfléchis et moins je le sens ce Cabo Frio. Sur le papier, je devrais le doubler vers minuit au près. C'est difficile, mais c'est faisable. Sur le papier. Et en même temps j'ai une petite voix dans la tête qui me dit : « Gwen, fait pas l'andouille. C'est pas un petit promontoire de rien du tout ce truc. Rio est là à 18 milles, et tu peux y être dans l'après-midi ».
Reste à savoir si cette petite voix émane de mon instinct ou de ma flemme.

09H10 : Allez, c'est décidé. J'enlève le tangon, j'empanne et hop, cap au 350° droit sur le Pain de sucre. Ne me demandez pas pourquoi, mais je sens qu'il faut que je le fasse.

09H45 : Il sera dit qu'après moult hésitations, plusieurs décisions contradictoires, et néanmoins argumentées, prises et réfutées dans la foulée, je me serais finalement arrêté à Rio... On dit que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, mais que dit-on des inconstants ?

C'est pour moi tout ça ?
10H20 : Vous me croyez si je vous dis que je commence à apercevoir les immeubles qui bordent la plage de... Comment elle s'appelle déjà ? Ah oui, Copacabana !
Oui je sais, c'est cruel.

11H10 : La ville est noyée dans la brume et les nuages mais je peux quand même voir une espèce se croix au somment d'une montagne. Je crois que c'est le Corcovado.

11H40 : Alors que je termine de manger, la ligne de traîne tressaute. Une belle thonine s'agite au bout. Elle sera suivie par deux autres du même acabit.

12H10 : Allez, on y est presque. A l'approche de la côté, le vent m'emmerde et je suis obligé de barrer pour naviguer au plus près.

Salut copain !
12H20 : Wahou... Un gros remorqueur est en train de me rattraper pas tribord arrière et me passe à quelques dizaines de mètres. Je vois distinctement le type sur la passerelle. Soudain, il disparaît de ma vue et j'entends le bruit caractéristique d'une drisse métallique. Je vois alors lentement s'élever le drapeau brésilien à l'arrière de la passerelle... J'en reste bouche bée, avec des frissons partout ! Le remorqueur est en train de me saluer à la manière ancienne, comme le faisait les bateaux du temps des Moitessier, Bardiaux, Gerbault et autres. C'est magique comme moment...
Aussitôt je me précipite vers la poupe et je retire la ficelle qui tient enroulé mon propre drapeau (il commence à partir en charpie, c'est pour ça). Les couleurs de la France flottent au cul de la Boiteuse. Le gars sors de la passerelle et agite la main. Je lève le pouce. Salut copain.

Pendant ce temps là, Touline s'en tamponne, elle boulotte sa thonine.

12H45 : Je suis en train de tirer des bords pour arriver à passer cette foutue Ilha do Paï.

13H15 : Fiou... Elle est musclée cette arrivée dis-donc ! (je peux pas écrire, j'ai la barre en main)

Rio de Janeiro droit devant !

14H10 : Ça y est ! J'ai le Pão de Açúcar sur ma droite et le fort de Santa Cruz sur ma gauche. J'entre dans la baie de Guanabara. Faut que je vous avoue un truc, l'arrivée sur Rio de Janeiro ça a de la gueule quand même...

Y'a plus qu'à contourner la pointe de Jurujuba, et on arrive au Clube naval de Charitas. J'ai décidé que c'est là que j'allais faire halte et non pas à Rio même. Trop cher, et trop mal famé d'après ce que raconte radio ponton. Si par le plus grand des hasard j'ai envie d'aller visiter la ville, et bien je prendrais le ferry et pis c'est tout.

Ça a de la gueule quand même...

16H20 : Après quelques péripéties sans intérêt je m'amarre enfin à l’emplacement qu'on m'a attribué. Le ponton est un peu tout pourri et la qualité du système électrique me semble douteuse, mais j'ai quand même du jus, un wifi poussif et La Boiteuse est à peu près en sécurité. C'est ça qui compte car la première chose que j'ai fais une fois amarré, c'est de regarder la météo pour Cabo Frio à l'heure où j'étais sensé le doubler... Et bien mes enfants, je ne regrette pas d'avoir choisi l'option Rio. Je suis mieux là où je suis qu'à me faire chahuté en mer !

Le Pain de Sucre et le Corcovado

Clube Naval Charitas

mardi 6 mai 2014

Adieu Paraty !

23°13.730S 44°41.745W
Paraty, Brésil

Mon séjour à Paraty touche à sa fin, et c'est pas dommage. Vous allez me dire que je ne suis pas objectif, que je me laisse mener par mes premières impressions catastrophiques, que je ne laisse pas sa chance au produit, patati-patata. C'est bien possible. C'est même tout à fait sûr.
Mais que voulez-vous, je suis un sensible en même temps qu'un cérébral. Quand les choses partent du mauvais pied, il en faut énormément pour rattraper le coup et arriver à me faire changer d'avis. Je suis têtu et rancunier, c'est comme ça.

Donc, depuis une semaine je scrute les prévisions météo à la recherche d'une fenêtre d'évasion. Et il y en a une qui se présente qui devrait m'emmener à Buzios en un peu moins de deux jours.
Pourquoi Buzios et pas Rio de Janeiro comme vous auriez pu légitimement vous y attendre ? Et bien... Parce que le temps passe à une vitesse folle et que mon visa expire le 16 juin, que les prix des marinas dans la baie de Guanabara sont du même tonneau qu'à Paraty, et que comme vous le savez déjà je n'aime pas les grande villes. Donc, pourquoi me forcer à m'arrêter dans un endroit dont je sais déjà qu'il va me gonfler, qu'il va me coûter la peau des fesses, et qui en plus va me faire perdre un temps précieux ? Tout ça juste pour dire que je me suis arrêter à Rio ? Hein ?
Je commence à en avoir ma claque du Brésil, alors il faut que je trace si je veux pouvoir changer d'air.

Donc, on oublie Rio, et on va se mettre au mouillage à Buzios, juste en face de la pousada de Sylvia et Francis (on s'est croisé en septembre 2012 à Jacaré).
Départ, vendredi matin. Durée approximative du trajet : Entre un jour et demi et deux jours pour faire 172 milles... Ça devrait être du tranquille Émile, avec un grand largue pour commencer et du travers pour finir. Enfin... C'est ce qui est prévu.

On se retrouve là-bas !


Ah oui, j'oubliais. Il ne faut pas vous inquiéter si depuis quelques jours vous ne me voyez plus trop sur les réseaux sociaux. Je suis quasiment privé d'internet là où je suis... C'est la misère ! Je ne suis même pas sûr que je vais pouvoir poster cet article.