lundi 21 mars 2016

Au ponton !

14°27.965N 60°51.925W
Marina du Marin, Martinique


Aujourd'hui dimanche, cela fait exactement quinze jours que je suis arrivé en Martinique. Et après ces deux semaines passées au mouillage en face du cimetière, je viens enfin d'amarrer La Boiteuse sur un des nombreux pontons de la marina du Marin.
Oh putain... Je ne saurais vous décrire le plaisir que j'ai eu à dormir cette nuit dans mon bateau ! Sans avoir à me soucier de la tenue de mon ancre, sans m'inquiéter de la charge de mes batteries, sans vérifier l'évitement de mes voisins, sans faire gaffe à ce que fait Touline, sans avoir ce nœud dans l'estomac à chaque rafale de vent... Bref, c'était le pied.

Enfin au ponton !
Bon, comme il faut bien que je râle un peu, sinon je ne serais pas tout à fait moi-même, il y a quand même deux ou trois petites choses qui me chagrinent. D'abord, je n'ai pas le wifi à bord. Et puis La Boiteuse est tout au bout du ponton n°8 (place 856), et ça fait quand même une trotte pour rallier la terre ferme. Hier j'ai fait trois fois l'aller-retour, et aujourd'hui je peux à peine marcher. Le bon côté du truc, c'est que Touline n'ira jamais se promener au milieu des voitures...
Et puis l'eau de la douche est froide ! (Ma dernière douche chaude remonte au Surinam !) Et ne me sortez pas que sous les tropiques on se fout d'avoir de l'eau chaude pour se doucher. C'est des conneries de plaisanciers en vacance ça ! Une douche chaude sera TOUJOURS meilleur qu'une douche froide, même sous les tropiques.

Trankil !
Mais tous ces petits inconvénients ne sont rien par rapport au plaisir cité plus haut. Rien de rien, peau d'balle, queutchi. En plus, je suis plutôt bien placé. Un peu à l'écart, sans être isolé. Le cul au vent, ce qui rafraîchi bien le bateau. Pas de moustiques... Que demander de plus ?
Touline s'éclate à découvrir son nouveau territoire. Elle fourre son nez partout, explorant sans vergogne les bateaux voisins, ce qui n'est pas forcément du goût de tout le monde... (Ce serait bien con qu'après toutes ces marinas fréquentées de par le monde, ce soit ici, en France, que ma coéquipière soit le moins acceptée, non ?) Elle essaye même de faire ami-ami avec un berger allemand qui réside à deux bateaux de là. Sans succès pour l’instant, je le crains. Alors bien sûr, je m'attends d'un jour à l'autre à ce que le décompte des bains forcés recommence... Pour l'instant nous en sommes à 48, mais je gage que la friponne passera les 50 avant la fin du trimestre !

Bon, je commence par quoi ?
Sinon, que vous dire ? Le Marin c'est un peu la Mecque du marin-voyageur. Quelque soit le port de France d'où un bateau est parti, un jour ou l'autre il est passé, ou il passera par ici. Ou alors il est resté. Depuis mon arrivée, c'est dingue le nombre de têtes connues que je croise. Des têtes parfois oubliées (pardon !), rencontrées il y a trois ou quatre ans, au Cap Vert, Las Palmas ou à Agadir. Je croise également pas mal de lecteurs (je vous croise donc !). Des gens qui se présentent à moi et qui me disent tout le bien qu'ils pensent de ces centaines d'articles dont je vous abreuve depuis bientôt six ans. Je devrais avoir l'habitude maintenant, mais je vous avoue que c'est toujours aussi surréaliste et déstabilisant.

Je suis là !

Concernant le fait de me retrouver « au pays », j'avoue avoir encore un peu de mal à trouver mes repères. Je suis encore surpris d'entendre le français en bruit de fond, et je galère toujours avec la monnaie (ils ont changé les billets depuis mon départ, non ?). Et puis qu'est-ce que la vie est chère ! Foutre-cul, c'est dingue... Après une première semaine où je me suis plutôt lâché sur la bouffe (saucisse de Morteau, carbonara, etc), j'ai vite été obligé de reprendre un régime alimentaire plus en accord avec mes finances. Le même régime alimentaire qui était le mien lorsque je touchais le RSA... Quelle misère ! Vous en voulez du déclassement ?!? Ailleurs, partout ailleurs, mon statu d'européen me situait dans la frange haute de la société. Ici, je suis redevenu ce que j'étais avant mon départ : un pauvre. Et même si j'avais un peu anticipé cet état de fait, franchement, ça fait chier.

Nouvelle tête
Alors vous allez me dire, si la vie est si chère pourquoi me suis-je mis sur le dos 320 Euros de marina par mois ? Et bien parce que je suis sûr que le fait de ne plus avoir à me soucier du bateau m'aidera à me concentrer sur des choses plus importantes. Comme mon avenir par exemple, ou ce fichu bouquin qui dort depuis quatre ans dans un tiroir de ma tête... En tous cas je l'espère !
Et puis, qui sait, le hasard d'une rencontre au détour d'un ponton changera peut-être ma vie ? En tous cas, si cela doit arriver, il n'y a pas de meilleur endroit qu'ici !

C'est là qu'est ma place !

C'est quoi ce chien là-bas ?

jeudi 10 mars 2016

De Béquia au Marin

14°28.089N 60°52.510W
Le Marin, Martinique

Le samedi 5 mars 2016 - On se casse

06H20 : Et bien voilà. Mon séjour à Béquia s'achève et je m’apprête à reprendre la mer en direction du Marin, en Martinique. De Béquia (Békoué !), je garderais un souvenir mitigé, ce qui à mes yeux est plutôt une bonne appréciation. Le mouillage est assez sympa, et des fonds pleins de vie sont directement accessibles depuis le bateau pourvu que l'on mouille comme je l'ai fait au ras de Margaret Beach. L'approvisionnement (la bouffe quoi), est un peu plus conséquent et j'ajouterais que l'accueil des gens est un peu moins frais qu'à Carriacou.

Enfin, pouvoir siroter son café après la sieste en matant quelques paires de seins nus sur la plage, est un luxe non-négligeable. Sans blague, je crois que je n'avais plus vu de tétons à l'air depuis la France ! Je ne sais pas pour vous, mais je suis persuadé que le topless est un signe évident de liberté intellectuelle et morale. Voire même, de maturité civilisationnelle !

Bonjour Mesdemoiselles !
Alors, question navigation, voilà ce qui nous attend : 90 milles et des poussières en passant sous le vent des îles de St Vincent et Ste Lucie. Arrivée prévue demain matin. Je table sur une petite moyenne, tout en comptant sur la légèreté de La Boiteuse. Je m'explique ; tout le monde dit qu'en passant sous le vent des îles, et plus particulièrement de celle de St Vincent, c'est moteur obligatoire. Mouais... La plupart des copains qui m'ont dit ça ont des bateaux bien plus grands et bien plus lourds que ma Boiteuse, et considèrent qu'à trois nœuds ils sont à l'arrêt. Pas votre serviteur ! Donc, je pense qu'on va pouvoir se débrouiller... Ou pas. L'avenir nous le dira.

Normalement, on devrait avoir des vents entre 10 et 15 nœuds, par le travers. Puis ce sera du bon-plein, et on finira au près serré. Bref, ça va commencer cool pour finir chiant.


07H00 : Décollage sans incident. La Boiteuse se faufile entre les bateaux encore endormis. Personne n'est levé pour lui dire au revoir, et j'ai l'impression de partir comme un voleur... Entendez bien, je ne suis pas orgueilleux au point de souhaiter un comité à chaque départ ou arrivée, mais quand même. C'est agréable d'agiter la main en partant... Ça vous donne l'illusion que vous allez manquer à quelqu'un.

07H30 : On passe Northwest Point, St Vincent est déjà visible à 8 milles. J'arrête le moteur et je hisse la GV.

07H45 : Travers, 4,5 nœuds avec un ris dans la GV et le foc à moitié. La houle me cueille à froid et j'ai un début de nausée... Vite un Stugeron® !

Et merde, j'aperçois un grain à l'est... Je crois qu'on va commencer cette nave en se faisant rincer.


08H30 : Avec un peu de bol le grain va nous passer devant... Mais c'est pas gagné parce qu'il est très large.

09H00 : Bon ça y est, on est sorti du canal de Béquia et a priori on a évité l'orage. Le vent est en train de tomber, mais la mer est encore un peu agitée... Blurp ! Mais bon, on avance à 3,5 nœuds et dans la bonne direction, et c'est ça qui compte.


09H45 : Finalement, il pleuviote. Touline qui dormait dans le fond du cockpit émet un miaulement réprobateur et me rejoint à l'abri sous la capote. Je sais ma vieille... tu préférerais aller batifoler à terre plutôt que de te faire mouiller et bringuebalée dans tous les sens, et je te comprends. Mais dans pas longtemps on va aller se poser dans une marina, je te le promets !

St Vincent dans les nuages
11H00 : On est à deux milles au large de Wallilabou, lieu de tournage du célébrissime Pirate des Caraïbes. Il reste quelques décors en carton-pâte pour amuser le touriste... Cela dit, avec tous ces nuages et ses rayons de soleils qui percent, St Vincent est vraiment très belle.


11H50 : Bon, là j'en ai marre. Depuis une heure on est scotché de chez scotché. J'allume Mercedes.

12H15 : Moteur à bas régime, on avance à quatre nœuds. J'ai profité de la stabilité du bateau pour me faire cuire une côté de porc avec un restant de pâtes. Franchement, je suis déçu... Je pensais vraiment que La Boiteuse pouvait tirer son épingle du jeu dans cette pétole. Mais bon, le régulateur n'assurait plus une cacahuète, ce qui veut dire qu'on « avançait » à moins d'un nœud. Donc... Parfois il ne sert à rien d'être têtu, hein ?

Allez, une petite sieste ça te dit Gwendal ?


13H25 : Arrêt moteur. On a une petite brise, grand largue. Cool !

13H55 : Et merdeuuuuuuuu !!!!! Plus de vent.


14H10 : Allez, re-allumage du moteur.


14H35 : Ah tien ! T'es là toi ? Ça frisotte sur le devant, et j'aperçois même quelques moustaches. Cette fois-ci j'espère que c'est la bonne. Arrêt moteur.

15H35 : Ça fait une heure qu'on avance au près serré dans le canal de St Vincent. Ça secoue pas mal, avec des pointes à six nœuds, six nœuds cinq. Ste Lucie droit devant.


16H05 : Cap sur les fameux deux pitons de Ste Lucie. J'arrive à les distinguer malgré la brume.


18H00 : C'est la fin de la journée, et le soleil est en train de se coucher sur bâbord. Franchement, la météo c'est un peu plantée sur ce coup-là. En faisant un près le plus serré possible j'en suis toujours de 15° par rapport au cap que je devrais faire... Et vers minuit il va falloir que je lofe encore de 25° pour taper le sud de la Martinique, ce qui a priori sera impossible à faire. Pfff... J'espère qu'en approchant de Ste Lucie les choses vont changer et que j'aurais quelques bonnes surprises. Parce que sinon, ça va être compliqué.


Le dimanche 6 mars 2016 - Bienvenu en France !

Coucou !
06H00 : La nuit a été somme toute assez calme. Dans le sens où j'ai dormi par cycles de 45 minutes, comme souvent en mer, et que personne n'est venu me faire chier. Pas de pêcheurs, pas d'autres voiliers, pas de cargo. Un désert bienvenu.

Le long de Ste Lucie le vent s'est bien calmé sans toutefois pétoler comme à St Vincent. Ce qui fait qu'on a avancé à un train de sénateur, mais avancé tout de même. Vers 02H30, les grains ont commencé à se succéder les uns après les autres, m'obligeant à m'abriter de la pluie sous la capote. Là on est encore à 25 milles du Marin, un peu trop à l'ouest, et on avance au près serré à 2,5 nœuds avec semble t-il un courant contraire. 25 milles, 2,5 nœuds : Le calcul est évident. Patrick qui était sensé m'accueillir avec le café du matin en sera pour m'offrir un déjeuner tardif.

Heureusement le vent est en train d'adonner, et on file droit sur le Sud de la Martinique.


06H45 : J'ai relâcher mon ris sur la GV afin de gagner en vitesse et en cap. On a gagné un nœud, mais pour le cap ça me semble mal barré... Là, on va droit sur Fort de France.

Je sens qu'il va falloir finir au moteur, ou alors tirer des bords jusqu'à la fin de la journée.

08H00 : Putain c'est la misère... Je fais du 10°, alors que je devrais faire du 63° ! Si je ne trouve pas une solution, je vais carrément rater l'île ! Que faire ? Bon, pour l'instant je continue comme ça, au moins jusqu'à midi, et ensuite on verra.

La Pointe et le Rocher du Diamant
09H15 : J'ai gagné 10° supplémentaires et le courant contraire semble enfin nous lâcher les basques. Normalement, dans deux heures il faudra que je vire de bord... et lorsque cela arrivera on devrait être un peu au Nord du célébrissime Rocher du Diamant, que j'aperçois déjà. Et oui, on va atterrir vachement haut !

Putain de vent à la con ! Quand je pense à l'abruti anonyme qui commentait récemment en disant qu'il était « difficile de trouver aussi simple comme bassin de navigation » ! Mon cul oui ! Les Antilles c'est de la merde !

10H30 : On voit bien Fort de France à présent. Je suis tenté de changer mes plans... Et de filer directement à la marina d’Étang Z'abricots. Ça fait neuf mois maintenant que je n'ai pas été dans une marina, et franchement cela me manque. Et je ne vous parle pas de Touline !

Mais non, on m'attend au Marin, et j'y ai des choses à faire. Changer mes winches, et faire réparer mon moteur HB, entre autre. Et faire ça à Z'abricots, ce n'est pas possible.

11H00 : Allez, allumage moteur. On est en face des Anses d'Arlet et il reste 16 milles à faire. Plein Est, avec le vent et la mer dans le nez. Là les enfants, on va se faire chier.


Tu sais que tu me gonfles toi ?
13H00 : J'ai dû tirer des bords pour passer cette saloperie de Rocher du Diamant. Il reste 12 milles à faire. Le pont est trempé d'embruns, et j'ai le visage brûlé par le soleil et le sel à force de regarder vers l'avant.

14H00 : On en voit le bout ! Plus que sept milles ! La côte est jolie, avec quelques lotissements et des champs cultivés. L'île me semble bien plus, comment dire, développée (aménagée ?) que ces voisines.

14H25 : Vous savez, ça me fait drôle de me dire que j'arrive en France... Alors oui, j'étais en Guyane il y a huit mois, mais c'est pas pareil. C'est peut-être dû aux enjeux qui sont différents... Car plein de choses concernant mon avenir à long terme vont se jouer, ici dans ce lieu et dans les mois qui viennent... Et ça m'angoisse un peu.

Mais bon. D'abord mes winches, mon hors-bord, et ensuite je m'occuperais de mon avenir. Et en attendant je vais me faire un petit café, ça va me faire du bien.

15H10 : Bouée verte d'entrée du chenal droit devant ! Here we are!

On arrive !
15H22 : Wahou... Alors que je passe la bouée, j'aperçois le mouillage de Ste Anne. Il y a là au moins une centaine de voiliers. Mais quelques encablures plus loin la baie du Marin se découvre, et là c'est une véritable forêt de mâts ! Nom de Zeus, c'est impressionnant ! J'ai l'impression qu'il y en a des milliers !

Dans le chenal, ça se croise, ça se double. Je commence à croiser des skippers, le regard braqué sur l'horizon et qui ne répondent pas à mon salut. Ou alors avec réticence, une fois que j'ai longuement insisté. C'est pas grave, je sais que j'arrive dans un endroit où le voyageur se voit supplanté par le plaisancier... il va falloir que j'en prenne mon parti.

16H00 : J'aperçois Capsun, et Patrick dans son annexe. Je fais un petit tour d'honneur et Plouf ! Je balance l'ancre à quelques mètres de la cardinale Ouest. Alors que la chaîne se déroule dans le davier, j'entends les cloches de l'église du Matin qui sonnent. Il est quatre heures pile... Bienvenu en France !


Arrivé !
Épilogue : Quelques jours après mon arrivée, je suis toujours au mouillage en face de l'église (et de son cimetière !), mais plus pour longtemps. Je dois dire que, et là je vais encore en choquer quelques uns, j'ai été séduit par l’ambiance qui règne dans cette gigantesque marina. C'est un lieu de vie incroyable, grouillant, dont je découvre peu à peu les rouages, et qui m'a séduit d’emblée. A tel point que j'ai décidé de m'incruster dans le coin, en faisant une demande pour une place à quai pour le trimestre à venir. La réponse devrait me parvenir dans la semaine... 

On ne va pas dans une marina ? Tu te fout de moi ou quoi ?!?
Club Med
Juste en face du cimetière...