mardi 3 avril 2018

La fin d'une histoire (?) Partie 2

14°27.377N 60°52.005W
Baie des Cyclones, Le Marin, Martinique

Partie 2 : La perte de sens

Comme raconté plus tôt, mon retour en Terres Françaises fut salué par une grande claque dans la gueule. Un retour plutôt fracassant à une réalité que je n'avais pas su, ou pas voulu, envisager. Je n'étais pas aussi exceptionnel que je le pensais, et je n'étais plus aussi jeune que je le pensais... Bref, il allait me falloir encaisser tout ça. Le digérer, l'assimiler, avant de pouvoir en tirer les conséquences, et avancer. Sauf que dans mon cas, la digestion peut prendre du temps... En tous cas celle-ci aura pris deux ans !

La vue depuis mon bureau...
Au début de ma digestion, je pensais me retrouver devant un choix binaire. Soit je pliais l'échine, je revoyais mes ambitions à la baisse afin de rentrer dans le rang. Soit j'envoyais tout le monde se faire foutre et je continuais à croire que de bonnes choses peuvent arriver dans ma vie... Et comme souvent, j'optais pour la voie du milieu ; A savoir, se poser, attendre, et voir venir tout en me tenant près, aussi bien à aller pointer au RSA qu'à reprendre la route pour de nouvelles aventures. Tel le Bouddha moyen, je me posais donc à la croisée des chemin, à la fois attentiste et attentif. Et pour le coup, la marina du Marin se trouvait être le lieu idéal pour ça.
J'entends ici et là dire des horreurs sur la marina du Marin. Comme quoi ce serait un lieu de perdition, un cimetière pour marin, un ghetto pour blancs, etc... Peut-être, pour certains en tout cas. Mais probablement ni plus ni moins qu'ailleurs. Et j'ajouterais que personnellement j'adore la marina du Martin. J'ai tout ce dont j'ai besoin à portée de patte folle, ou à portée d'annexe. J'ai mon bar, mon wifi, mes copains... Des techniciens compétents pour mon bateau. Une relative sécurité en cas de mauvais temps. Bref, si ce n'étaient les cyclones, la vie chère et ces alizées de merde, ce lieu serait juste parfait pour moi, et j'y finirais volontiers mes jours sans me poser de question. J'ajouterais, avec circonspection, car je ne voudrais pas déclencher une polémique, que la Marina du Marin représente un havre de paix sur cette île en proie à un racisme ambiant qui franchement me débecte.
Mais bon, à l'époque je n'en étais pas encore arrivé à une telle conclusion et je tentais encore de faire le tri entre mes désirs et la réalité...

La chiotte toute moche
Je me posais donc, et me laissais ballotter par la vie. Et celle-ci ne m'épargna pas durant ce premier été... J'attrapais le virus Zika, le moteur de La Boiteuse rendit presque l'âme, mes haubans décidèrent qu'ils devaient être changés, une chiotte toute moche débarquait dans ma vie, l'ouragan Matthew me fila quelques sueurs froides et en août j'appris le décès de mon père... Bref, l'été fut plutôt chaud, mais cette succession d’événements plus ou moins dramatiques eut la vertu première de m'empêcher de me poser trop de questions. Pendant ces quelques mois je fus dans la réaction au lieu d'être dans l'action. Je remettais à plus tard mes questions sur mon avenir à moyen et long terme. Du coup le temps passa vachement vite... Et c'est aux environs de Noël 2016 que mon cerveau se remis à fonctionner normalement. C'est à dire à faire des nœuds !

Mercedes façon puzzle
Avec la nouvelle année La Boiteuse se retrouva quasiment comme neuve. Moteur refait, gréement changé, mon fier navire était prêt pour reprendre la route. Par contre son Capitaine lui, l'était beaucoup moins... J'étais au ponton depuis un an, sans avoir navigué un seul jour, et franchement cela me plaisait bien. Mais les gens que je croisais tous les jours me posaient toujours la même question : « Alors, quand est-ce le départ ? ». Je souriais, bêtement... Et je répondais « Bientôt » ! Alors qu'au fond de mon cœur, je n'avais qu'une envie ; Que l'on arrête de me poser cette question ! J'avais envie de hurler à plein poumon que l'immobilité n'était pas un pécher ! Que j'avais le droit de me sentir bien ici ! Et puis que... (Non, ça je n'avais pas vraiment envie de le crier sur tous les toits, mais c'était un rêve que j'entretenais dans un coin de ma tête) J'avais encore l'espoir de rencontrer quelqu'un. Quelqu'un de ma culture, avec les mêmes questions que moi, et peut-être un projet de vie qui me donnerait envie de reprendre la route puisque qu’apparemment je n'en avais plus envie...
Le voyage de La Boiteuse semblait peu à peu perdre tout son sens, et je me disais que peut-être, je dis bien peut-être, si l'amour venait de nouveau à se présenter, et bien... Il le retrouverait.

Elle est pas belle la vie finalement ?